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Le théâtre : ses composantes et son évolution.
L'évolution du théâtre

Depuis l'antiquité, le théâtre distingue la tragédie et la comédie, distinction qui  perdure jusqu'au  XVIII° siècle.

Cette tradition est rompue  par les auteurs du XIX° siècle  qui, héritant du  drame bourgeois, né à la fin du XVIII° siècle, mélangent, dans le drame romantique, le tragique et le comique. Les auteurs de théâtre s'engagent aussi plus directement dans les débats, voire les combats de leur temps.

 

Au XX° siècle, cette  distinction perd totalement sa pertinence, et des formes théâtrales nouvelles se créent. Par exemple, avec Ionesco, Becket, c'est par le comique que le "Théâtre de l'Absurde" dévoile le tragique de la condition humaine. Aujourd'hui le théâtre s'est encore diversifié, jusqu'aux matches d'improvisation, qui permettent à chacun de devenir, pour un temps, auteur et acteur...

L'évolution concerne aussi les représentations. Être acteur devient peu à peu un métier, et les conditions spatiales se modifient : au moyen âge, on joue encore en plein air, mais dans des espaces bien plus réduits que dans l'antiquité. Puis les spectacles ont lieu dans des salles... C'est à nouveau le XIX° siècle qui introduit un changement important, en faisant de la mise en scène un véritable métier. Aujourd'hui, la mise en scène affirme son rôle : elle emprunte d'ailleurs à d'autres arts, musique , danse..., et à d'autres cultures, tels le théâtre "nô" ou le "kabuki" japonais. De plus, de nombreux "clubs" permettent à chacun de devenir acteur, voire auteur lors des matches d'improvisation, par exemple, au cours desquels deux "équipes" rivalisent à partir d'un thème donné, dans un temps limité.

Pour analyser le théâtre
Observons cet extrait des Caprices de Marianne (1833) de Musset, acte II, scène 3. Que remarquons-nous ?
Musset, "Les Caprices de Marianne", 1833.

Charles Landelle, Portrait d'Alfred de Musset, 1854. Dessin sur papier beige, 53 x 45. Musée d'Orsay.

Landelle, "Portrait de Musset", 1854.

[Surprise dans la rue par son mari qui rentre dans une violente colère car il la soupçonne d'adultère avec Octave, Marianne se retrouve seule chez elle.]

 

MARIANNE, seule. - Holà ! Quelqu'un ! (Un domestique entre.) Voyez-vous là-bas dans cette rue ce jeune homme assis devant une table, sous cette tonnelle ? Allez lui dire que j'ai à lui parler, et qu'il prenne la peine d'entrer dans ce jardin. (Le domestique sort.) Voilà qui est nouveau ! Pour qui me prend-on ? Quel mal y a-t-il donc ? Comment suis-je donc faite aujourd'hui ? Voilà une robe affreuse. Qu'est-ce que cela signifie : "Vous me réduirez à la violence !" Quelle violence ? Je voudrais que ma mère fût là. Ah, bah ! elle est de son avis, dès qu'il dit un mot. J'ai une envie de battre quelqu'un ! (Elle renverse les chaises.) Je suis bien sotte en vérité ! voilà Octave. - Je voudrais qu'il le rencontrât. 

L'intrigue

Traditionnellement, une pièce de théâtre est divisée en actes, eux-mêmes composés de scènes. Depuis le XVII° siècle cinq actes permettent, le plus souvent, d'organiser l'intrigue :

  • L'acte I s'ouvre sur l'exposition (une ou deux scènes), qui permet d'informer sur la situation antérieure, les lieux et les personnages ; elle donne aussi le ton de la pièce.

  • Puis vient le noeud de l'action, qui lance les péripéties. Elles occupent plusieurs actes, avec des moments de tension.

  • L'acte V constitue le dénouement, souvent limité à la dernière scène. Il peut reposer sur un coup de théâtre, qui renverse la situation. Parfois intervient un personnage extérieur qui résout l'intrigue : c'est le "deus ex machina", hérité de l'antiquité.

 

Dans le théâtre classique, 3 règles strictes régissent l'intrigue :

- l'unité de lieu : l'action doit se dérouler dans un lieu unique, où se rencontrent les personnages, par exemple la place d'une ville, le vestibule d'un palais...

- l'unité de temps : l'action ne doit pas dépasser 24 heures. Ainsi, l'intrigue représente souvent le moment où explose une crise.

- l'unité d'action : l'action n'introduit qu'un seul enjeu, par exemple un mariage à conclure, une crise politique à surmonter...

 

Au théâtre, l'intrigue montre les personnages, ou protagonistes, en action. Comme pour le roman, il est donc possible de construire un schéma actanciel en fonction du rôle de chacun, qu'il s'agisse du personnage principal, ou protagoniste, des personnages secondaires, sans oublier les simples figurants.
Il est aussi nécessaire d'en étudier le/s lieu/x, en pensant à distinguer celui où se déroule la scène et d'autres lieux seulement mentionnés par les personnages, par exemple, dans l'extrait, "la tonnelle" où se trouve encore Octave.

Enfin, on s'intéresse au temps, notamment à l'évocation du passé, à la projection vers l'avenir, ainsi qu'à ce qui peut se dérouler hors scène, entre deux actes par exemple.

La double énonciation
Les discours

Dans cet extrait, Marianne est "seule" en scène : sa tirade (longue prise de parole) est un monologue. Il s'adresse directement au public, pour expliquer les sentiments de l'héroïne, au contraire des répliques, plus courtes, et des tirades échangées entre plusieurs personnages.
Quand l'action amène un conflit, le discours devient polémique,
les répliques s'échangent alors sur un rythme rapide, les mots rebondissent telles des balles : c'est la stichomythie.

De plus, rien n'interdit à l'auteur d'insérer, dans le discours d'un personnage, un passage de récit ou des paroles rapportées, comme c'est le cas dans ce passage, où Marianne répète, avec colère, la menace lancée par son mari.

 

             Le monologue, comme l'aparté, que le public entend, même au dernier rang, au contraire du personnage proche, relève de l'illusion théâtrale : jamais cela ne se produirait dans la vie réelle ! Mais, en l'absence de narrateur au théâtre (sauf si l'auteur fait intervenir une "voix off"), tous deux sont des outils précieux pour suivre l'évolution des personnages. De plus, ils créent une connivence avec le public.

 

Les didascalies

Elles sont signalées par l'italique, soit quelques mots placés après le nom du personnage, soit une/des phrase/s insérée/s dans le texte, le plus souvent entre parenthèses. 

                  Elles permettent de préciser la mise en scène

  • au lecteur, pour lui permettre d'imaginer la scène,

  • au metteur en scène, pour qu'il guide le jeu de ses acteurs en respectant les intentions de l'auteur.

Musset, "Les Caprices de Marianne" : analyse de l'oeuvre.

Un exemple à découvrir : cliquer sur l'image

Unités
structure
stichomythie
La comédie
comedie
Son origine antique

Le mot "comédie" vient du grec "comos", le cortège et "odè", le chant : il s'agit sans doute, à l'origine, d'un rituel de fertilité, donnant lieu à une procession en l'honneur du dieu Dionysos. Elle est alors menée par les "phallophores", ainsi nommés parce qu'ils portent un costume rembourré, avec un faux ventre pourvu d'un énorme phallus postiche... Ivres, dans une sorte de transe, ils lancent toutes sortes de plaisanteries, souvent grossières, et leur passage s'accompagne de débats et de combats cocasses. 

 

 

Pour en savoir plus : cliquer sur l'image

Fragment - Chypre, IV-III° s. av. J.-C.
Ses caractéristiques

Cette origine explique les bases de la comédie :

  • son langage familier, voire vulgaire, qui abonde en insultes et ne recule pas devant l'obscénité ;

  • le choix de personnages qui appartiennent au peuple, et souvent stéréotypés : le vieillard amoureux, le jeune homme naïf, l'esclave...

  • la place prise par les "débats", supports de la critique sociale, et par les "combats" plaisants ;

  • l'excès dans les gestes et les paroles, donc le rôle de la caricature.

 
 
Son évolution

La comédie évolue en prenant des formes variées. Au moyen âge, ce sont les farces et les soties qui font rire le public, jouées sur des tréteaux dans les foires par des troupes ambulantes. Puis, les comédiens italiens importent en France la commedia dell'arte, avec ses personnages masqués, chacun dans son rôle, tels Arlequin, Matamore, Colombine...  Mettant l'accent tantôt sur le caractère caricaturé, comme dans l'Avare de Molière, tantôt sur la situation, comme souvent chez Marivaux, elle cache toujours une satire morale et sociale. Il lui arrive donc, sous la Monarchie absolue, d'être censurée, comme le sont, au XVII° siècle, Dom Juan ou Le Tartuffe de Molière, au XVIII° siècle Le Mariage de Figaro de Beaumarchais.

Au XIX° siècle, la comédie veut être d'abord un pur divertissement : ainsi naît le vaudeville, où se multiplient les quiproquos dans une intrigue aux multiples rebondissements.

Les sources du comique

Les quatre formes du registre comique se combinent pour provoquer le rire du public :

- le comique de gestes : c'est sa forme la plus élémentaire, avec les gifles, les bousculades, les coups, les chutes... Il vient aussi du jeu de l'acteur, par exemple de grimaces, de mimiques, de gestes exagérés.

- le comique de mots : il repose sur le décalage entre la norme et le/s mot/s employé/s, par exemple l'imitation d'un patois, le faux latin, l'insulte inattendue, le mot déformé... L'auteur peut aussi jouer sur l'allusion, le sous-entendu, l'équivoque, incompris du personnage, mais décodés par le public.

- le comique de caractère : il tire sa force des effets de grossissement, d'une caricature poussée jusqu'à l'invraisemblance parfois. Ainsi certains héros, obsédés par une idée fixe, en deviennent monomaniaques.

- le comique de situation : il repose souvent sur l'inversion des rapports de force, par exemple entre le maître et le valet, le père et le fils. Il s'agit de ridiculiser ce que l'on respecte d'habitude, donc de démythifier les puissants. Pour cela, ils sont placés dans des situations inhabituelles, sont victimes de quiproquos. Parfois des déguisements les égarent, et la comédie multiplie les coups de théâtre, les retournements de situation.

 

               Le public rit de sa supériorité sur le personnage trompé, naïf, car le spectateur possède, lui, les clés de la situation.

Le comique est encore plus efficace quand s'y ajoute la répétition, d'un geste, d'un mot, d'une situation, c'est-à-dire, selon la définition de Bergson dans Le Rire (1900), "du mécanique plaqué sur du vivant".

Arlequin serviteur de deux maîtres (1745), de Goldoni - mise en scène : Théâtre Room Asia

Goldoni, "Arlequin serviteur de deux maîtres", mise en scène.
La tragédie
tragédie
Son origine antique

Le mot "tragédie" vient, considère-t-on généralement, de "tragos", le bouc, et "odè", le chant. Le genre est né du dithyrambe, chant en l'honneur du dieu Dionysos. Les chanteurs sont, en effet, costumés en satyres, hommes aux pieds de bouc et compagnons du  dieu, et la cérémonie se termine par le sacrifice d'un bouc.
Peu à peu, la partie chantée se réduit  : elle est, dans la tragédie, prise en charge par le choeur, dirigé par son coryphée. En revanche, le dialogue se développe, entre deux, puis trois acteurs.

Pour en savoir plus : cliquer sur l'image

Son évolution

La tragédie, avec ses sujets empruntés à la mythologie, à l'Histoire antique ou aux récits bibliques, connaît son apogée au XVII° siècle : le classicisme développe particulièrement ce genre littéraire. 

Mais elle est violemment remise en cause par les auteurs romantiques du XIX° siècle, qui lui reprochent notamment son invraisemblance et ses personnages excessifs.

 

Elle renaît cependant au XX° siècle, sous une double forme :

  • Le Théâtre de l'Absurde, avec Ionesco, Becket... met en scène, avec des procédés empruntés au comique, le tragique né des limites de la condition humaine.

  • Les écrivains engagés, tels Sartre, Camus, Roblès, retrouvent, à l'occasion des événements historiques de leur temps, le tragique pour dénoncer le poids de l'Histoire et toutes les servitudes humaines.

II° siècle av. J.-C. Musée du Louvre
Ses caractéristiques

Selon le philosophe grec Aristote, la tragédie doit provoquer chez le spectateur deux sentiments conjoints, la terreur et la pitié. Cela explique ses deux caractéristiques :

- Le héros tragique : Au contraire du personnage comique, il occupe un rang social élevé. Sa chute n'en est ainsi que plus effrayante ! Cette origine sociale le rend capable de courage, de grandeur d'âme, de sentiments qui l'élèvent au-dessus de l'humanité ordinaire : en cela, le public ne peut que l'admirer. 
Mais, animé de passions violentes, voire cruelles, que son rang lui permet de satisfaire, il tombe le plus souvent dans l'"hybris", démesure qui l'amène à dépasser les limites humaines. Il brave alors les dieux, qui le punissent. Face à ce châtiment, il affronte la mort avec noblesse, voire choisit le suicide.

- La situation tragique : Elle est toujours le fait d'un destin inévitable, dû aux dieux, dans le monde antique, au poids de l'Histoire aussi par la suite. Cette fatalité, qu'il a parfois héritée de ses aïeuls, s'abat sur le héros, qui entre en lutte contre elle. La tragédie montre donc ses combats, les choix douloureux qu'il doit faire : il vit souvent un cruel dilemme. L'issue n'en est, généralement, que la mort.

- Les ressources du registre tragique : cf. page "Registres"

Une héroïne tragique  à découvrir, Phèdre de Racine

Cliquer sur l'image

Cabanel, "Phèdre", 1880.

Alexandre Cabanel, Phèdre, 1880.  Huile sur toile, 194 x 286. Musée Fabre, Montpellier.

Le drame
Drame
Le drame bourgeois

Dès le XVIII° siècle, même si la tragédie, avec Voltaire par exemple, connaît encore du succès, le développement de "l'âme sensible" pousse le public à demander que le théâtre représente des personnages qui leur ressemblent davantage. Ainsi naît, avec Diderot, Beaumarchais..., le drame bourgeois. Le mot "drame", étymologiquement, signifie "action". Ces pièces se plaisent, en effet, à compliquer davantage l'intrigue, et, surtout, le tragique est remplacé par le pathétique. Les personnages, ordinaires, vivent des événements douloureux, rencontrent des difficultés qui doivent éveiller la compassion du public.  

C'est du drame bourgeois que naît le mélodrame : il multiplie les péripéties, duels, complots, amours contrariés... et oppose très nettement la cruauté et la violence des "méchants", traîtres, assassins... à l'âme généreuse et tendre des "bons", le plus souvent issus du peuple.

Hernani de V. Hugo, 1830 :
un drame romantique

A. Besnard, La première d'Hernani. Avant la bataille, 1903. Huile sur toile. Maison de V. Hugo, Paris

Besnard, "La première d'Hernani. Avant la bataille", 1903.
Le drame romantique

Les Romantiques fondent le drame sur une critique de la tragédie classique. Ainsi, ils rejettent la règle des unités. Deux actions peuvent s'entrecroiser, par exemple un mariage et un complot politique, les changements de décor se multiplient, et l'action, qui ne se rattache plus aux temps antiques, peut se dérouler sur plusieurs années. De même, la règle des bienséances externes n'est plus respectée : le personnage peut boire, manger sur scène, des meurtres y ont même lieu.

Les deux modifications les plus importantes sont :

  • le refus de la distinction entre comédie et tragédie : de nobles héros sont issus du peuple. Des scènes tragiques sont suivies - parfois même interrompues - par des moments rendus comiques grâce à des personnages secondaires grotesques,.

  • la disparition du "destin" d'origine divine, remplacé  par le poids des circonstances historiques, des conditions sociales, et surtout par les passions mêmes des personnages. Elles ont une force telle qu'elles suffisent à les mener à leur propre perte.

Dans la logique de cette évolution, l'écriture elle-même évolue. Quand le vers est gardé, l'alexandrin perd la noblesse de l'époque classique, avec des ruptures dans son rythme, et il ne rejette plus le vocabulaire familier. Mais certains vont plus loin, et rejettent même le vers pour adopter une prose poétique...

Dramerom
mise en scene
La mise en scène

Décors et accessoires

Dès l'antiquité, la pièce s'inscrit dans un décor. Même les spectacles ambulants, au XVII° siècle, utilisent des toiles peintes. Les progrès techniques permettent aujourd'hui de disposer de décors élaborés. Le décor, les accessoires, prennent une valeur symbolique, à interpréter.

Costumes et accessoires

Les costumes révèlent les intentions du metteur en scène : respect de l'ancrage chronologique ou volonté d'actualiser la pièce, par exemple. Sobres, ou plus surchargés, ils signalent aussi, avec les accessoires qui les complètent, le statut social et la fonction des personnages.

Effets techniques

Dès l'antiquité, des machines interviennent dans la mise en scène. Ce sont ensuite les effets sonores et les jeux de lumière que les progrès techniques permettent d'enrichir. On dispose aujourd'hui de nouvelles ressources pour des effets spéciaux, bruitage, écran de fumée...

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Le jeu d'acteur

Les déplacements

Les didascalies les signalent souvent. Mais le metteur en scène garde sa liberté pour guider le rythme, la démarche des acteurs qui peuvent même se déplacer dans la salle.

La gestuelle

Les gestes, sobres ou volontairement exagérés, sont aussi indiqués dans les didascalies. Le metteur en scène les choisit surtout pour leur valeur psychologique.

Les mimiques

Le visage de l'acteur - son regard, sa bouche - doit pouvoir exprimer toutes les émotions que réclame le texte. Le maquillage peut renforcer son expressivité propre.

L'intonation

L'acteur travaille pour moduler les intonations de sa voix pour qu'elles correspondent aux intentions à reproduire, aux sentiments de son personnage, et au registre.

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Ces quatre composantes de la mise en scène ont beaucoup évolué en relation d'abord avec le lieu du spectacle : en plein air, selon les dimensions de la salle, la disposition et les goûts du public, les moyens techniques... Le jeu de l'acteur a, notamment, gagné en naturel. 
Il convient de toujours
s'interroger sur la mise en scène. Face au texte, il s'agit de l'imaginer, lors de la représentation de mesurer sa fidélité aux intentions de l'auteur et à son époque. Mais le metteur en scène peut aussi proposer sa propre interprétation, et son "infidélité" peut permettre de rendre une oeuvre plus actuelle, plus parlante pour le public contemporain.

                                                                                   Pour en savoir plus, se reporter aux différents siècles dans l'onglet "histoire littéraire".

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