Comprendre, condenser, reformuler
La contraction de texte : lire et comprendre
La contraction de texte, un des sujets du nouveau programme du baccalauréat, est un exercice proposé depuis longtemps dans de nombreux examens et concours, en France et à l’étranger. Il présente, en effet, trois avantages principaux :​
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Il permet de développer la capacité de discerner l’essentiel d’un texte, d’une argumentation.
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Il oblige à dépasser l’expression d’une opinion subjective pour prêter une plus grande attention à la structure logique d’un exposé. Il habitue donc l’esprit à l’objectivité.
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Il est particulièrement adapté aux nécessités de la vie professionnelle, par exemple réaliser la synthèse d’enquêtes dans les domaines les plus divers, présenter de façon claire un rapport d’activités ou un projet, effectuer une revue de presse… Il est un moyen, notamment, de lutter contre la tendance au plagiat, c’est-à-dire au recopiage d’un texte à l’identique, à « copier-coller » à partir d’Internet.​
La contraction de texte suivie d’un essai permet d’apprécier l’aptitude à reformuler une argumentation de manière précise, en en respectant l’énonciation, la thèse, la composition et le mouvement. Elle prend appui sur un texte relevant d’une forme moderne et contemporaine de la littérature d’idées. D’une longueur de mille mots environ, ce texte fait l’objet d’un exercice de contraction au quart, avec une marge autorisée de plus ou moins 10%. Le candidat indique à la fin de l’exercice le nombre de mots utilisés.
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Note de service n° 2019-042 du 18-4-2019 - BO n°17 du 25 avril 2019
Le texte à contracter correspond à l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle », étudié à partir d’une œuvre à laquelle a été associé un parcours complémentaire. L’exercice est noté sur 10, et est suivi de la rédaction d’un essai, notée sur 10 également.
Les attendus de la contraction de texte
Quelles compétences ?
Le site officiel « éduscol » précise les compétences de lecture, d’analyse et d’écriture attendues du candidat. Il doit être capable
de saisir l’unité et le mouvement d’ensemble de la démarche argumentative de l’auteur, afin de ne pas perdre de vue dans le travail de reformulation le sens et l’objectif du propos ;
de distinguer dans le texte les arguments qui portent le sens des éléments qui l’illustrent ou y apportent des nuances secondaires sans faire progresser l’argumentation ;
de repérer les différentes articulations de l’argumentation pour pouvoir respecter dans le résumé les principaux mouvements du texte, et leur progression logique ;
de restituer l’essentiel du propos le plus fidèlement possible, en respectant à la fois la contrainte de la contraction au quart et l’exigence de fidélité à la cohérence du texte, à sa composition et à la progression de l’argumentation qu’il développe ;
de s’affranchir des expressions du texte, la contraction étant un exercice de reformulation, fidèle aux idées mais obligeant à les exprimer dans d’autres termes, agencés dans des phrases différentes.
Les instructions officielles sur la pratique de la contraction de texte et sur son évaluation, parues au Bulletin Officiel n°27 du 7 juillet 1983 conservent toute leur pertinence aujourd’hui.
Les règles de la contraction de texte
La notation des deux composantes du sujet, la contraction suivie de l'essai, invite à consacrer la moitié du temps à chacune, évaluée sur 10 points, d'abord une heure pour effectuer une analyse attentive du texte et préparer la contraction, pour consacrer le reste du temps à la rédaction condensée.
Quels acquis pour réussir ?
Des connaissances littéraires
Le texte à contracter pose une thèse en développant une argumentation. Il est donc indispensable de maîtriser
- ce qui permet de convaincre un lecteur, en faisant appel à sa raison,
- ce qui permet de le persuader : l'énonciation et les procédés de modalisation.
Autant de connaissances acquises dès le collège, et approfondies au lycée.
Observons ces deux paratextes
L'approche du paratexte
Le texte initial est long, environ 1000 mots, et le temps de l’épreuve est limité. Il n’est donc pas souhaitable, à l’examen, de le lire une première fois avant d’entreprendre une démarche active d’analyse. Il est cependant utile de s’’intéresser au paratexte, qui peut donner des indications précieuses :
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une date, qui peut renvoyer le candidat à des connaissances historiques ;
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un titre, qui peut poser le thème de l’argumentation, voire la thèse de l’auteur.
Jean-Marie Gustave Le Clézio, L’extase matérielle, 1967
Louis-Leprince-Ringuet, Science et bonheur des hommes, 1973
Les auteurs ne seront probablement pas connus de jeunes lycéens qui peuvent cependant formuler des hypothèses sur leur thèse en mettant en relation le titre et la date.
- L’ouvrage de Le Clézio a été publié peu avant mai 1968, alors que la France vit encore la période nommée « Les trente glorieuses » qui a vu se développer la société dite « de consommation » : l’acquisition de biens matériels est posée comme une clé du bonheur, ce que traduit le terme hyperbolique « extase ». Mais cette conception va être combattue par les jeunes révoltés de Mai 68. Il s’agira donc de savoir dans quel camp de range Le Clézio : le texte dénonce-t-il le matérialisme, ou en fait-il l’éloge ?
- Quand Leprince-Ringuet fait paraître son essai, la société française reste encore dans l’idée que la « science » a le pouvoir de faire le « bonheur des hommes », avec de nombreux progrès notamment dans le domaine médical ou dans les télécommunications. Cependant, mai 68 a fait apparaître une première remise en cause, lutte contre le nucléaire, par exemple, ou en lien avec la réflexion écologique. L'auteur est-il plutôt optimiste, ou pessimiste ?
Préparer la contraction de texte
Une lecture active du paragraphe : les repérages
Lors de la lecture, la plus grande attention doit être portée à la logique de l’argumentation, par un repérage notamment des connecteurs logiques, plus globalement de la forme de raisonnement adoptée.
Le plus souvent, l’auteur choisit entre
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une démarche déductive : Dans ce cas, l’idée essentielle est exprimée au début du paragraphe, qui la développe ensuite et la précise, en l’appuyant éventuellement sur des exemples.
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une démarche inductive : Inversement, sont posées d’abord différents constats, soutenus par des exemples, qui conduisent, à la fin du paragraphe, à une conclusion qui pose l’argument.
Des idées secondaires peuvent, bien évidemment, être introduites, notamment grâce à l’exposé des exemples. Il est donc important de distinguer les exemples qui ont pour seul rôle d’illustrer un argument, à ne pas retenir, de ceux qui correspondent à un argument. Cette lecture, accompagnée de repérages, peut conduire déjà à une phrase pour reformuler la pensée exprimée dans le paragraphe.
Observons...
Un philosophe ancien définit exactement sa condition, en disant que l’esclave est un « outil animé » – une espèce de machine qui offrirait l’avantage de comprendre et d’exécuter les ordres qu’on lui donnerait. L’esclave est un instrument qui appartient à un autre homme : il est sa chose. Mais la loi ne lui reconnaît aucune existence juridique. [ En fait il n’a même pas de nom : il porte le nom de l’endroit où il vient ou une sorte de sobriquet passe-partout. Son mariage n’est pas légal. Deux esclaves peuvent cohabiter, cette union peut être tolérée par le maître, elle n’est pas un mariage. Le maître peut donc vendre l’homme et la femme séparément. Leur progéniture appartient non à eux mais au maître : il la fait disparaître s’il le juge bon. L’esclave, étant objet de propriété, ne peut exercer lui-même le droit de propriété. S’il lui arrive de se constituer un pécule, en pourboires ou d’autre façon, il ne le garde que par tolérance. Rien n’empêche le maître de le lui prendre. ]
André Bonnard, La Civilisation grecque, « L’esclave », 1954
La lecture permet de repérer l'idée, une définition de l'esclave (en rouge) dans "la civilisation grecque" antique, avec un double mouvement, articulé par le connecteur « Mais ». Le second connecteur, « En fait », introduit une série d'exemples (en vert), qui visent à prouver la formule « aucune existence juridique ». Ils ne seront pas conservés.
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Il est alors possible de reformuler rapidement l'idée du paragraphe : L'esclave grec n'est qu'un objet possédé par son maître, sans aucun droit légal.
Du paragraphe au texte : élaborer le plan de la contraction
La poursuite de cette lecture active amène à dégager le « plan » du texte initial, c’est-à-dire les principales étapes de l’argumentation, en regroupant les paragraphes qui développent un même argument, mais aussi les éventuels ajouts, les nuances apportées, l’introduction d’une thèse adverse…
Sa notation rapide au brouillon guidera la rédaction de la contraction, en permettant
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de choisir les connecteurs logiques appropriés,
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de ne pas oublier d’idée importante,
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enfin, de mesurer l’importance à accorder à chaque idée retenue, en suivant l’ordre logique, sans cependant conserver la répartition initiale des paragraphes.
Observons...
On a bien souvent cherché à discerner ce qu'il fallait entendre par culture ; et l'on a proposé quelques bien jolies définitions : « Ce qui reste lorsqu'on a tout oublié. » C'est l'une des meilleures. Elle a le mérite de bien faire sentir qu'il ne faut pas ranger dans la culture elle-même les connaissances par le moyen desquelles cette culture a pu être acquise.
La culture n'est certainement pas une somme plus ou moins importante de connaissances. Cette proposition peut apparaître comme un lieu commun en France, où nous répugnons traditionnellement à la formule de la tête bien pleine. Tout système nouveau d'enseignement que l'on nous suggère prend pour maxime initiale la fameuse citation de Montaigne. Mais dans la pratique, c'est bien toujours une somme de connaissances que tendent à contrôler nos examens. C'est qu'aussitôt après avoir dit qu'on veut la tête bien faite, on s'efforce de déterminer un dosage de connaissances, que l'on croit capable de produire ce résultat. Tant que l'on considérera la culture comme un produit de connaissances, le contresens subsistera, et l'on continuera à faire des têtes qui ne seront ni pleines, ni bien faites. La culture est une attitude de l'esprit qui ne résulte à aucun degré des leçons apprises, de leur nature, de leur étendue, de leur nombre, mais qui confère bien plutôt une aptitude à apprendre. Elle est peut-être ce qui reste quand on a oublié, elle est surtout ce qu'il faut posséder avant de savoir.
Ce que l'on admire surtout chez un homme vraiment cultivé, c'est beaucoup moins son savoir que son aptitude à s'informer de ce qu'il ne sait pas encore. On le dit cultivé parce qu'on se rend compte, à le fréquenter, que son esprit ne sera jamais fermé à ce qui lui reste inconnu. [ Il peut être lui-même homme de métier, mais tout homme de métier différent peut aller vers lui, et se faire entendre de lui, l'entretien dût-il porter exclusivement sur le métier du second : non pas que l'homme cultivé sache tous les métiers, mais parce qu'il est toujours disposé à écouter et à comprendre. C'est un homme qui ne limite jamais, d’aucune manière, les possibilités de contact entre son esprit et les autres esprits. C'est peut être celui qui a entendu jouer toutes les œuvres de la musique contemporaine, qui est au courant de tous les préceptes appliqués dans les écoles de peinture les plus en vogue, mais, surtout, c'est celui devant qui on pourra jouer une œuvre symphonique toute nouvelle, ou à qui on montrera une toile entièrement différente de ce qui était jusqu'ici à la mode, sans déconcerter son goût, sans heurter chez lui des principes rigides, fixés une fois pour toutes, qui l'empêcheraient de sentir simplement, ingénument, le beau. Il a, comme tout le monde, ses habitudes de pensée et de conduite, mais elles ne se présentent jamais comme des obstacles, comme des travers, quand on veut accéder à lui. ]
La culture, c'est avant tout, l'ouverture d'esprit. C'est assez dire qu'un esprit cultivé se définit beaucoup plus par rapport à ce qu'il peut recevoir que par rapport à ce qu'il contient ; c'est celui qui n'oppose point aux tentatives de pénétration un de ces jugements tout prêts d'avance et qui font barrière.
Fernand Robert, L’humanisme, 1974 [540 mots, à contracter en 135 mots, plus ou moins 10%]
L'analyse du texte confirme le fait que, souvent, c'est la première phrase d'un paragraphe (en rouge) qui en exprime l'idée principale, dans une démarche par déduction. Le texte comporte peu de connecteurs logiques (en bleu), mais il est cependant possible de mesurer le paradoxe mis en évidence par l'opposition entre « peut apparaître » et « Mais ». C'est ce second paragraphe qui est le plus complexe, car la longueur du troisième vient du développement de trois exemples (en vert), qui ne seront pas repris de façon détaillée.
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Est alors construit le plan de la contraction :
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une introduction qui présente le thème : définir la culture
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la thèse de l'auteur qui oppose deux conceptions : « une somme de connaissances », thèse adverse, et « une aptitude à apprendre », sa propre conception. Il souligne les différences et la contradiction entre la théorie, qui admet la valeur de sa thèse, et la pratique, qui met en œuvre le point de vue adverse.
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l'approfondissement de la définition, par glissement de l'idée abstraite de "culture" à l'image, concrète, d'« homme vraiment cultivé », prouvée par trois exemples : la vie professionnelle, la musique, la peinture.
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le dernier paragraphe qui pose la conclusion.
Pour s'exercer...
Libérer la femme implique un changement des structures et des rapports économiques. Mais aussi un changement dans la forme « mâle » du pouvoir. Et même – c’est la pierre de touche de ce combat – une révolution des mentalités. Un monde à changer dans son « commerce », dans sa relation, dans sa culture. L’homme devra réapprendre à vivre. L’homme nouveau sera libre, car il ne sera plus en situation d’oppresseur. De même qu’un pays qui en opprime un autre n’est pas un pays libre, un homme ne pourra se réclamer de la liberté que si la femme en jouit à part entière, comme lui. L’homme, du même coup, est débarrassé de son carcan : l’obligation d’être à la hauteur de l’image dominante. Il pourra jeter bas les masques. Et oublier les fatigues de la virilité triomphante, mythe boomerang.
Il pourra naître entre la femme et l’homme une nouvelle approche, une nouvelle relation. Tout aura changé en fait : la sexualité, le partage des tâches, le langage. Une autre manière d’appréhender la vie. Un partage juste et responsable entre deux égales libertés.
Gisèle Halimi, La Cause des femmes, 1973
Questions :
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Quelles hypothèses le paratexte permet-il de formuler ?
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Repérer, dans chaque paragraphe, les mots clés, qui soutiennent l’argumentation, les connecteurs logiques et la place accordée aux exemples.
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Proposer un plan pour la contraction.
La peur de l’avenir que ressent chacun pour les siens et pour l’humanité n’est pas sans jouer un rôle dans la faveur dont jouissent tant de fausses sciences.
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Au cours des siècles passés, régnaient la croyance aux sorciers, la confiance dans les charlatans, les diseurs de bonne aventure, les astrologues, les visionnaires. A cours du XVIII° siècle, le développement de l’esprit critique diminua leur influence et souvent on en riait. Voici qu’à présent il est de bon ton de ne pas accepter les justes méthodes, les démonstrations rationnelles et les expériences valables de la science « officielle », c’est-à-dire de la vraie science, mais de lui opposer le succès de ceux qui guérissent des maux incurables par l’imposition des mains ou l’ingestion d’une tisane bien composée. L’hypnotisme et le somnambulisme renaissent. Aux efforts difficiles de la psychologie pour acquérir les caractères d’une science, on oppose la parapsychologie et ses fantaisies. Des chimères se mêlent aux sottises. La radio et la télévision prédisent à chacun son avenir personnel, ses difficultés d’argent, ses peines de cœur et toutes les aventures de sa vie en lui rappelant qu’il est né sous l’influence d’une constellation ou d’un astre.
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On nous dit que jamais les magnétiseurs, les radiesthésistes, les diseurs de l’avenir n’ont eu autant de succès.
Que penser du masque scientifique dont se couvrent la parapsychologie et la psychocinétique pour nous raconter des histoires de cuillers et de fourchettes qui se tordent sous l’influence d’un simple regard ?
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Comme dans toutes les basses époques, c’est la diffusion de cette crédulité qui manifeste la défaite du bon sens et de la raison. Même chez certains qui se disent ou se croient éclairés, cet appel à l’irrationnel se propage. Point d’effort pour comprendre – il n’est pas toujours simple d’y parvenir –, mais plutôt la recherche d’un refuge vers les mystères ou l’abri que procure une crédibilité qui va souvent jusqu’à la sottise.
Robert Debré, Ce que je crois, 1976​
Questions :
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Repérer, dans chaque paragraphe, les mots clés, qui soutiennent l’argumentation, les connecteurs logiques et les exemples à éliminer.
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Proposer un plan pour la contraction.
Les exemples
Dans certains textes, les exemples se multiplient, la question de leur reprise ou de leur suppression se pose donc. Il convient de distinguer :
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Les exemples qui appuient une idée exprimée, auparavant ou par la suite. Il est inutile de les conserver, mais il est possible de signaler leur présence.
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Les exemples qui posent eux-mêmes une idée. Il est alors nécessaire de la faire ressortir, en la synthétisant.
Les statistiques posent la même question. Le plus souvent, elles présentent une information trop fragmentée pour pouvoir être reprise dans la contraction. Mais il est parfois intéressant de conserver l’ordre de grandeur qu’elles proposent, à l’aide d’adjectifs ou d’adverbes.
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Enfin, notons le cas particulier des citations, souvent choisies parce qu’elles introduisent une formule plus esthétique, plus concise ou plus frappante pour soutenir une idée, un argument de l’auteur du texte. Leur traitement repose sur cette même distinction.
Observons...
Jamais dans l'histoire de l'humanité, autant de copies, imitations, contrefaçons, contremarques n'ont séduit, et parfois abusé, autant de monde. Bien des observateurs estiment que nous sommes entrés dans "l'ère du faux". « Il y a trois catégories d'acheteurs de faux », explique Jean-Michel Ribettes, psychanalyste et commissaire de Vraiment faux, une série d'expositions organisées par la Fondation Cartier. « D'abord, il y a les "trompés", qui acquièrent de bonne foi des copies en croyant que ce sont des originaux. Ils représentent environ 40% des consommateurs de faux. Viennent ensuite les "complices", plus de 50% qui achètent sciemment des contrefaçons de luxe (montres, parfums, œuvres d'art, etc.) Enfin, une dernière catégorie, poursuit Jean-Michel Ribettes, ceux que je nomme les "roués", moins de 10% qui croient faire une affaire sur le dos du vendeur. »
Jean-François Mongibeaux,"Le triomphe du faux", Ça m'intéresse, N° 126, août 1991
La première phrase pose la thèse de l'auteur, qui va être mise en évidence par une formule citée, « l'ère du faux », qui reste anonyme. Inutile donc de la conserver.
La suite du paragraphe est une longue citation de Jean-Michel Ribettes, présentée en deux temps. Mais celle-ci doit être conservée, car elle précise l'idée en évoquant « trois catégories d'acheteurs ».
Les statistiques, elles, seront reformulées : « De nombreux acheteurs de faux ont été naïvement volés. Mais plus nombreux encore sont ceux qui les ont volé, en leur revendant des faux. Enfin, quelques rares acheteurs se croient habiles, en achetant cher un faux qu'ils croient vrai. »
Pour s'exercer...
À l’évidence, sexisme et misogynie existent encore (sans doute à des degrés divers) dans la vie politique française. Mais force est de reconnaître que les appareils des partis ne sont pas les seuls coupables. Selon un récent sondage Louis Harris, « Profession politique », les femmes hésiteraient à s’engager dans la vie politique. À la question : « Quels obstacles vous empêchent de faire de la politique ? », 48% des femmes répondent qu’elles n’ont pas « suffisamment de connaissances politiques », 46% qu’elles n’ont pas assez de temps », 7% « craignent l’hostilité de leur conjoint » et 5% jugent que « la politique est un domaine réservé aux hommes. » En dépit de ces indéniables difficultés, les mentalités évoluent. Interrogés sur l’éventueaité d’une femme président de la République, 86% des Français (88% des femmes, 84% des hommes) seraient d’accord (« feraient confiance à une femme » pour diriger le pays) contre 13% qui y seraient opposés et 1% sans opinion.
Les plus fervents partisans d’une candidature féminine à la « magistrature suprême » sont les cadres (94%) et les élus du Parti socialiste et de l’Union démocratique des Français (90%). Les plus hostiles sont les agriculteurs (77%). Simone Weil, ancien ministre de la Santé et qui fut présidente du Parlement européen, arrive en tête (38%) des personnalités féminines susceptible de recueillir les suffrages des Français ; elle devance Michèle Barzach, ministre de la Santé et de la Famille de 1986 à 1988 (21%) et Édith Cresson, actuel ministre des Affaires européennes.
Qu’en pensent d’éventuelles intéressées ? Pour Simone Weil : « Une femme à la présidence de la République : on ne voit pas pourquoi la France, qui se pique d’être un pays avancé, résisterait à cette évolution de l’Histoire [… Mais] accéder à la candidature, cela veut dire des années de combat dans une arène où seuls les grands fauves survivent. Combien d’années faudra-t-il attendre la venue d’une femme, tigresse ou crocodile, pour avoir une femme présidente de la République ? Combien d’années pour que les femmes sacrifient tout le reste pour l’espoir du pouvoir ? » […] Si une femme devait un jour entrer à l’Élysée, elle apporterait enfin un démenti à l’Arnolphe de Molière qui affirmait : « Votre sexe n’est là que pour la dépendance, / Du côté de la barbe est la toute-puissance. » [390 mots]
Alain Kimmel, « Une présidente de la République ? », Échos, N° 58, 1990
Questions :
Après avoir fait une lecture active de l’ensemble du texte,
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Observer les citations : est-il nécessaire de les conserver ? Pourquoi ? Le cas échéant, proposer une reformulation synthétique.
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Repérer les statistiques en remplissant le tableau.
Parmi ces statistiques, lesquelles sont totalement inutiles ? Pourquoi ? Lesquelles sont à conserver ? Proposer leur reformulation synthétique.
Rédiger la contraction de texte
La reformulation
L'heure consacrée à cette préparation a conduit à des notes en marge du texte et à poser, au brouillon, le plan de la contraction. Il reste une heure pour élaborer la rédaction. La première exigence est de reformuler le texte initial en conservant son ordre et son énonciation.
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Que signifie « reformuler » ?
C'est garder le sens du texte, le contenu de l'argumentation, mais en utilisant d'autres termes. Bien évidemment, certains mots ne peuvent pas être remplacés, notamment ceux qui posent le thème du débat abordé, par exemple le "féminisme" ou "l'éducation". Il ne s'agit pas non plus de se contenter de chercher des synonymes pour remplacer chaque mot..., mais de trouver une expression condensée, mais claire.
Exemple : Soit la phrase « J’ai besoin d’un silence absolu et la musique m’empêche de me concentrer. » (13 mots) Il serait absurde d’élaborer une sorte de paraphrase, de traduction, plus longue : « L’absence totale de bruit m’est nécessaire et les sons musicaux nuisent à mon repli sur moi. » L'inversion syntaxique, en revanche, permet de restituer nettement l’idée, tout en conservant les deux mots-clés et en limitant le nombre de mots : « La musique brise le silence, donc perturbe ma concentration. »
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Se mettre à la place de l'auteur
Puisque le rédacteur doit prendre la place de l’auteur du texte, il s’interdit toute expression telle « L’auteur dit que… », « L’auteur explique que… » ou « L’auteur dénonce »… Deux cas peuvent se présenter :
Le texte est écrit de façon objective : l’auteur utilise la 3ème personne du singulier ou du pluriel, des verbes impersonnels comme « il faut », « il convient de », les pronoms « nous » ou « on », qui généralisent ou les voix passive et pronominale, par exemple « Le féminisme se développe » ou « Le féminisme a été favorisé par… » Cette énonciation neutre peut être conservée sans difficulté.
L’auteur a choisi une énonciation subjective, en employant le pronom « je ». Il faut alors s’interroger sur la place et la fonction du « je » dans le texte :
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Soit l’intérêt du texte est centré essentiellement sur le « je », par exemple dans une préface où l’auteur justifie ses choix, en s’appuyant sur ses expériences personnelles. Il est alors indispensable de conserver cette énonciation à la 1ère personne.
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Soit il s’agit d’un simple « je » d’opinion, qui appuie l’idée, par exemple par « je pense que… », « je crois que… », « il me semble que… » Le « je » peut être éliminé, car son emploi n’ajoute rien au texte.
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Soit nous sommes dans un cas intermédiaire : l’emploi du « je » est le moyen de donner à l’argumentation un tour plus personnel, de partir d’un cas particulier personnel pour arriver à une idée générale, plus abstraite. Le choix de conserver ou non le « je » dépendra alors de son poids dans le texte.
La tonalité du texte
La contraction de texte n'est pas un pastiche. Il n'est pas question de reproduire les procédés de style employés par l'auteur, tels son goût pour la métaphore, le rythme des phrases ou l'usage de l'ironie... Cependant, il est souhaitable de conserver la tonalité d'ensemble, par exemple la rigueur didactique d'un essai scientifique, le ton polémique d'un discours, le lyrisme d'une utopie...
Pour s'exercer...
On entend souvent dire qu'il est difficile de s'adresser aux jeunes... J'en suis persuadé quand on prétend les sermonner. Je suis persuadé du contraire quand on a le seul souci de les informer.
P. Boegner, Le Figaro Magazine, 21/10/1978
Il y eut un temps où le voyage confrontait le voyageur à des civilisations radicalement différentes de la sienne et qui s'imposaient d'abord par leur étrangeté. Voilà quelques siècles que ces occasions deviennent de plus en plus rares. Que ce soit dans l'Inde ou en Amérique, le voyageur est moins surpris qu'il ne reconnaît.
C. Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, 1955
Il n'est pas bon, ni que le chômage soit un cauchemar sans issue, ni que le travail soit récompensé par un flot de faux luxe à bon marché qui excite les désirs sans satisfaire les besoins.
S. Weil, La Condition ouvrière, 1951
Questions :
1. Dans ces 3 courts textes, souligner les mots à ne pas reformuler.
2. Repérer la structure logique.
3. Proposer une contraction pour chacun de ces textes.
« Sommes-nous tous devenus vieux ? »
Au cours des stages de préparation à la retraite que j’anime, je constate que le besoin de sécurité est une demande constante et de plus en plus forte des participants. À cela rien de bien étonnant, car cette demande de sécurité, tant matérielle que morale, est un trait dominant de l’avance en âge. Ce qui me paraît beaucoup plus inquiétant pour l’avenir de notre pays, c’est que cette sécurité est maintenant une demande de plus en plus fréquente de la part des jeunes générations. Celle-ci ne condamne-t-elle pas à court terme notre société ?
La vie, vivre, est un risque permanent. Le premier et le plus important n’est-il pas de perdre la vie ? Celle-ci n’est, qu’on le veuille ou non, qu’un moment d’existence temporaire entre deux états d’inexistence. Seules nous survivent nos créations, qu’elles soient biologiques (enfants) ou matérielles (œuvres littéraires, artistiques, scientifiques, ou sociales). L’apanage de la vraie jeunesse est d’ignorer le risque, ou pour le moins de le négliger ou de le minimiser, tant elle est avide de vivre, de connaître, d’apprendre, de réussir l’impossible, et, portée par la passion de sa « folle juvénilité », de déplacer les montagnes de l’establishment faites d’indifférence aux idées nouvelles, de routine et de conformisme.
M. Caloni, cité dans Bac 81, édition Hachette
Questions :
1. Faire une lecture analytique de ce texte : souligner les mots clés, repérer les liens logiques, explicites ou implicites. 2. Faut-il garder le "je" ? Pourquoi ?
3. Reformuler ces deux paragraphes.
La structure de la contraction
Même si elle n'est pas toujours marquée par des connecteurs logiques, tout texte suit une démarche logique, que la contraction doit restituer. Cela implique, d'une part, de suivre l'ordre des idées, d'autre part de mettre en lumière les étapes de cette progression. Impossible de faire du "puzzle" en se contentant de juxtaposer les phrases ! L'emploi de connecteurs logiques est donc essentiel.
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La structure d'ensemble
Le point de départ
L'argumentation
Par ajout d'un second
élément d'importance
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égale,
-
supérieure,
-
inférieure
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​
Par comparaison
D'abord - D'une part, d'un côté... - Premièrement, dans un premier temps, en premier lieu, au premier abord [et toute expression comportant l'adjectif "premier"]- Avant tout - Au début - Pour commencer [ou tout verbe synonyme]
Puis, ensuite – D’autre part…, d’un autre côté…, en secont lieu - Or (2ème étape du raisonnement) - En outre - De plus, de surcroît - D'ailleurs, du reste – Encore, aussi, également (jamais en tête de phrase).
Pareillement - De même, de la même façon (manière), en même temps (et toute expression comportant les mots "même", "semblable" ou "pareil") - Également - Simultanément - Parallèlement - Aussi, autant (jamais en tête de phrase )
La conclusion
Enfin, finalement, pour finir, en fin de compte - Ainsi - Donc - Aussi [+ inversion sujet/verbe] - Par conséquent, en conséquence – Pour conclure, en conclusion - En fait, de ce fait - C'est pourquoi – En somme
Au sein de l'argumentation
​
Dans son argumentation, l'auteur peut introduire des explications, des oppositions, des contradictions, des réserves, des conséquences ponctuelles, et appuyer ses analyses sur des exemples. Là aussi, les connecteurs jouent un rôle important dans la reformulation.
Les exemples
Les explications et justifications
Par exemple - Ainsi - Notamment - En particulier - C'est le cas de - Comme - Tel...
Car, en effet [jamais en tête de phrase] - C'est que... - En raison de, à cause de, sous l'effet de, gâce à - Vu, attendu, étant donné (que) - Autrement dit, c'est-à-dire, cela veut dire [et toute expression comportant le verbe "dire" ou ses synonymes) - Plus précisément - À savoir (que)...
Les oppositions et les restrictions
D'où - Pour cette raison, pour ce motif - Par suite - De ce fait, en fait + tous les termes pouvant servir de conclusion (Cf. Tableau supra)
Les conséquences ponctuelles
Mais - Pourtant - Cependant - Toutefois - Néanmoins - En revanche - Malgré - En dépit de - Au contraire, contrairement (à) - À l'inverse, inversement (à) - Par opposition, à l'opposé
Il faut aussi penser au rôle que peuvent jouer les signes de ponctuation :
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la ponctuation forte (suivie d'une majuscule) : les points d'interrogation et d'exclamation sont utiles pour souligner un problème, ou pour insister sur une assertion, en donnant à la contraction un ton polémique. Les points de suspension suggèrent qu'une énumération est inachevée, et peuvent exprimer le doute, l'incompréhension.
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la ponctuation secondaire (non suivie d'une majuscule) : les deux points sont très utile pour introduire une explication, une cause, une conséquence. Le point-virgule complète une idée, en ajoutant un développement. Enfin, sans en abuser, pensons à la parenthèse ou au double tiret qui marquent la place secondaire, annexe, d'une idée.
Pour s'exercer...
1er exercice : Dans chaque extrait, expliquer les liens logiques et relier les phrases par un connecteur approprié. Plusieurs choix sont souvent possibles.
1. Les structures familiales, l’activité professionnelle, les rythmes de vie ont bien changé depuis 1966. Le partage du temps entre travail et loisir est devenu plus complexe.
2. Les jeunes filles ont dans l’ensemble un niveau de formation plus élevé que les garçons. Elles sont moins nombreuses dans le troisième cycle des universités et dans les classes préparatoires aux grandes écoles.
3. Nous redécouvrons que nous avons besoin [de la poésie] pour rire et pour pleurer, pour maudire et pour aimer. Elle est notre amie et notre messagère. Un livre de poème n’est rien d’autre qu’un cœur ouvert. (J. Bourin)
4. La vieillesse dénonce l’échec de toute notre civilisation. C’est l’homme tout entier qu’il faut refaire, toutes les relations entre les hommes qu’il faut recréer si l’on veut que la condition du vieillard soit acceptable. Un homme ne devrait pas aborder la fin de sa vie les mains vides et solitaire. (S. de Beauvoir)
5. Raconter sa vie est une satisfaction qu’on se refuse difficilement. C’est la preuve qu’on a bien existé et qu’un interlocuteur est là, prêt à s’intéresser à nous. Les grands hommes – et aussi les moins grands – ont toujours brûlé de s’adresser au reste des mortels en écrivant leurs mémoires. Les autres, les gens ordinaires, se satisfaisaient du public plus restreint de la veillée familiale ou du comptoir de bistrot. (F. Gaussen)
2ème exercice : Présenter la structure d'ensemble de ce texte, en faisant apparaître les relations logiques.
« Les quotidiens régionaux »
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Il a fallu un peu plus d’un siècle pour que les quotidiens régionaux deviennent ce qu’ils sont aujourd’hui, une presse qui favorise les informations touchant les lecteurs au plus près de leur vie quotidienne : la vie politique locale, comme le goûter des anciens, les matches de football de division d’honneur, les coupures d’eau, l’économie régionale et les avis d’obsèques. Les éditions départementales et locales se multiplient. Ainsi, Ouest-France publie trente-huit éditions différentes (mars 1988).
C’est une presse qui tente de toucher l’ensemble de la population d’une région, aussi ne doit-elle déplaire à personne : hommes et femmes, ruraux et urbains, jeunes et vieux. On a vu ainsi apparaître les pages cuisine ou vie pratique, la rubrique rock, les jeux. Cette volonté d’être le quotidien de tous a fait abandonner à la plupart des régionaux leur engagement politique. Un débat de fond permettra parfois de découvrir que tel titre est proche de la droite alors que tel autre est plutôt de gauche. Pour être le journal du plus grand nombre, le quotidien régional doit être accessible. Il l’est par le prix : entre 2,80 F et 3,50F (soit 1F de moins en moyenne que les quotidiens parisiens). Il l’est aussi par la distribution. On le trouve aisément dans des points de vente variés. Dans les kiosques, certes, mais aussi chez le boulanger qui le vend avec la baguette le matin, sur les marchés le dimanche. Et puis, bien sûr, il y a le facteur qui dessert les isolés et le portage à domicile qui tend à se développer. Les quotidiens alsaciens utilisent cette méthode avec succès et atteignent près de 80% des foyers dans les zones rurales.
Accessible, il doit l’être encore par le contenu. On sait que le lecteur consacre en moyenne environ trente-cinq minutes par jour à son quotidien régional. Autant s’efforcer de capter son attention par un article clair et bref qui touche à son environnement géographique, social ou professionnel. Un réseau très dense de correspondants locaux permet au journal de rendre compte des événements petits et grands de chaque commune. Le Provençal utilise près de 1500 correspondants (instituteurs retraités ou secrétaires de mairie) qui collectent articles ou photos…
Le risque, bien entendu, si un quotidien veut toucher toute une région et si sa stratégie est efficace, c’est qu’il n’y ait plus de place pour deux ou trois journaux. Bon an, mal an, des titres disparaissent, d’autres se regroupent. Les monopoles régionaux s’étendent. Ils permettent à leurs propriétaires de réaliser des bénéfices et de les investir dans la modernisation de leur entreprise : passage à la couleur, photocomposition, impression offset, informatisation, télématique…, les quotidiens régionaux ont en ces domaines une certaine avance qui leur permet d’envisager l’avenir avec plus d’atouts que les quotidiens parisiens. [457 mots]​
La longueur de la contraction
La note de service officielle précise que le texte initial aura « environ mille mots », et que la contraction se fait « au quart » avec une tolérance de « plus ou moins 10%. »
Le nombre de mots
La définition du "mot"
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On appelle mot une unité typographique chargée de sens, entre deux espaces : « la famille » forme deux mots, tout comme « l’élève », l’expression « c’est-à-dire » en compte quatre, mais « aujourd’hui » ou « socio-économique » n’en compte qu’un seul car les deux éléments sont indispensable pour faire sens. Un chiffre, une date, un pourcentage, ou un nom propre avec particule ne représentent aussi qu’un seul mot.
Le nombre de mots est noté à la fin de la contraction. Mais il est souhaitable, pour faciliter le contrôle de l’indiquer, soit à la fin d’un « bloc » de 50 mots, soit à la fin de paragraphes formés.
À quel moment du travail se préoccuper du nombre de mots ?
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Pendant la lecture active et l’analyse du texte, il est inutile de s’en préoccuper. En revanche, dès le moment où s’élabore le plan de la contraction, il est utile de faire une « prévision », en tenant compte de l’importance relative des idées à reprendre. Cela pourra, en effet, guider la rédaction, tout en restant une contrainte encore souple.
Construire une grille à l’encre, dans laquelle est réalisée, au crayon, le premier jet de la rédaction est un moyen pratique : ce temps perdu à la construire est compensé en évitant de perdre du temps à compter et recompter sans cesse… En cas d’écart avec le nombre de mots demandé, on vérifie en comparant le texte initial à la contraction rédigée. Deux cas sont possibles :
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S’il est inférieur à l’exigence, il est probable qu’une idée ait été oubliée, ou restituée de façon trop rapide ; il s’agit alors de compléter, de développer ou de préciser ;
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S'il est supérieur, il faut poursuivre l’effort pour condenser encore davantage les phrases.
Savoir éliminer
Très souvent, le premier jet de la rédaction est trop long. Il faut donc éliminer, en vérifiant que les exemples inutiles ont bien été supprimés et qu’une place excessive n’a pas été accordée à une idée annexe. Il convient aussi le plus souvent de supprimer les questions qui posent un problème ou interpellent le lecteur
Mais l’élimination porte aussi sur la rédaction elle-même. Tout en préservant la clarté de l’ensemble, on veillera, notamment, à éliminer :
les pléonasmes, par exemple pour les connecteurs, les plus fréquents sont « ainsi donc », « car en effet », « mais au contraire », « voire même », avec un redoublement de la valeur logique. Mais ils se produisent aussi par une répétition de mots, par exemple dans « un travail vain inutile », avec deux adjectif synonymes, une insistance superflue : « Pourtant le sens des réalités ne manque tout de même pas aux jeunes » accumule deux oppositions, et dans « les jeunes jugent cela vraiment très primordial », les deux adverbes « vraiment » et « très » renforcent inutilement l’adjectif « primordial ».
de nombreuses formules creuses, employées sous prétexte de renforcer le sens restitué, qui ne font qu’allonger inutilement la rédaction. Dire « il paraît évident », ou « on est un peu sidéré », ou encore « leurs études, relativement très méprisées », par exemple, est absurde car les deux termes ici soulignés se contredisent. Une formule comme « On peut affirmer que », tout comme le gallicisme « c’est…qui » ou « c’est… », peuvent aisément être remplacés par le connecteur « certes », voire supprimés.
Sous prétexte de fidélité au texte initial, on peut enfin avoir tendance à « gaspiller » des mots, défaut à surveiller. C’est le cas dans bien des expressions « à la mode », telles « de par » pour exprimer la cause, ou « au niveau de » qui ne peut servir que pour marquer une hiérarchie. Il est souvent habile d’employer un adverbe au lieu d’une locution : « essentiel » au lieu de « pour l’essentiel », « progressivement » au lieu de « au fur et à mesure » », « ainsi » pour remplacer « de cette manière », « absolument » pour « tout à fait »…
Observons...
Comparons ces deux contractions réalisées à partir de l’article de Norbert Bensaïd, paru dans Le Nouvel Observateur, n° 1380 du 18-24 avril 199. La première compte 176 mots, la seconde, avec 133 mots, répond à l’exigence d’une contraction au quart avec +/- 10%.
« La solitude rend-elle malade ? »
Mme F. : « Vous vous rendez compte : les seules personnes à qui je parle, je les paie. Vous[1], le coiffeur, le kiné… » Il est rare que la solitude occupe l’avant de la scène, mais elle est presque toujours là, à l’arrière-plan de toute plainte. Et qu’elle en soit l’effet ou la cause, certains symptômes lui sont souvent associés.
D’abord, le besoin de « quelqu’un à qui parler ». Un petit garçon, cité par Freud et effrayé par l’obscurité, disait : « Du moment que quelqu’un parle, il fait plus clair. » De l’absence d’un interlocuteur privilégié, le langage lui-même souffre. Même si, à première vue, il n’y a rien de commun entre une solitude qu’on a choisie pour rester libre et celle qu’on subit, celle des jeunes qui attendent que quelque chose leur arrive, et celle des vieux qui craigne que quelque chose leur arrive, tous les « solitaires » parlent « autrement », comme s’ils ne s’adressaient pas aux autres mais continuaient à se parler à eux-mêmes, devant les autres. Leur discours, clos, ne suppose pas de réponse : c’est un constat, sans plus.
Pour qui vit seul, l’imprévu – et donc le désordre – n’est pas la promesse de surprises heureuses mais une menace. Il faut donc s’en protéger, s’enfermer dans un certain ordre, dans es programmes. Tout se qui devrait distraire, réchauffer, ne fait que « déranger ». Il est cent fois plus facile de fixer ou déplacer le rendez-vous d’un responsable très occupé que celui d’un solitaire oisif. Car le grand ennemi, c’est le temps vide. On s’arrange pour que tout prenne du temps. Grâce à quoi, bien sûr, les autres se lassent et se découragent. La solitude isole. Et pire encore, dès qu’elles acquièrent cette fonction, occuper du temps, toutes les activités culturelles ou bénévoles perdent leurs intérêts propres. Elles sont comme ces très bons seconds rôles qui, dès qu’on en fait des vedettes, ne valent plus rien.
La lutte contre le temps a aussi pour conséquence une curieuse « insomnie ». Très souvent les personnes – et qui ne travaillent pas – s’endorment et se réveillent de plus en plus tard. Bien sûr, il y a la peur du sommeil (et de la mort) que la solitude exaspère. Mais on peut supposer aussi qu’à partir d’une certaine heure de la nuit s’apaise le sentiment d’être exclu de la vie. La nuit, les autres dorment, ils ne font rien d’intéressant. On n’est pas exclu mais libre. La lecture, la musique, la télé, bien sûr, mais aussi le rangement, la lessive, le repassage, tout ce que, dans la journée, on se sentait incapable de faire acquiert soudain une saveur nouvelle qu’on prolonge le plus tard possible. Ceux qui vivent seuls sont pour les autres un reproche vivant. Et les aider ne va pas de soi : toute intervention, ressentie comme une menace, a toutes les chances de renforcer les organisations défensives qu’on voulait désarmer. On peut alors avoir la tentation de rejeter la faute sur eux et leur rappeler que la solitude est le lot de tous. Il est vrai que l’état de solitude importe moins, parfois, que le sentiment de solitude [537 mots]
[1] L’auteur est médecin.
La solitude, source implicite de nombreux malaises actuels, présente des caractéristiques précises. Premièrement, le solitaire souffre de ne pouvoir communiquer et même, quels que soient la forme de sa solitude et son âge, son langage se modifie, car il ne dialogue plus, mais monologue seulement. (45 mots)
D’autre part, pour éviter l’imprévu, perçu comme dangereux, il se crée des obligations. Donc tout perturbe son existence organisée. Pour échapper à l’ennui, il lui faut, en effet, meubler son temps : cela le coupe encore davantage des autres. D’ailleurs, ces occupations, devenues obligatoires, perdent leur sens. (92 mots)
Enfin, le solitaire vit plus la nuit : certes, la solitude renforce la peur du sommeil, assimilé à la mort, mais, surtout, puisque les autres dorment, il peut alors se donner l’impression, par toutes sortes d’activités, d’une vie intense et libre. En fait, face aux solitaires, chacun se sent coupable, mais comment les aider quand toute aide leur semble une agression ? Il ne reste qu’à les accuser, à leur dire que la solitude, réellement vécue ou seulement ressentie, est le lot de tous. (176 mots)
La solitude, source implicite de nombreux malaises actuels, se caractérise premièrement par la communication impossible, vraie souffrance : le langage de tout solitaire n’est plus dialogue mais monologue ! (28 mots)
De plus, redoutant l’imprévu, il meuble son temps, donc tout perturbe son existence, organisée pour échapper au vide. Ainsi, il se coupe des autres, et ses occupations, devenues obligatoires, perdent leur sens. (61 mots)
Enfin, hormis la peur du sommeil, préfiguration de la mort, le sentiment de vivre plus intensément et plus librement pendant le sommeil des autres explique surtout la vie nocturne plus active des solitaires. Or, face à eux, chacun se sent coupable, mais comment les aider sans qu’ils se sentent agressés ? Il est plus simple de les accuser : ne connaissons-nous pas tous la solitude, qu’elle soit vécue ou seulement ressentie ? (133 mots)
Comparons les deux propositions de restitution de la démarche d'ensemble : c'est le 1er paragraphe qui élimine le plus de mots gaspillés, en regroupant les phrases.
Les 2ème et 3ème paragraphes, eux, éliminent les longueurs inutiles en inversant l'ordre logique de l'argumentation. Le 3ème paragraphe, de plus, va plus directement à l'essentiel, en usant plus habilement de l'interrogation.
Pour s'exercer...
TEXTE 1 : Bruno Lecoquierre, « L’usage du voyage en géographie », Géographie et cultures, n° 75, 2010, extraits des pages 139-157.
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Proposer une contraction de ce texte en 220 mots (+ ou - 10%)
Pour lire le texte 1
Pour lire les deux exemples proposés
sur le site officiel "éduscol"
TEXTE 2 : Nicolas CURIEN et Pierre-Alain MUET, La Société de l’information, 2004, « Introduction »
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Proposer une contraction de ce texte en 250 mots (+ ou - 10%)