L'oeuvre inscrite dans son contexte.
Le contexte socio-historique
Même quand le sujet traité par l'écrivain nous fait plonger dans des temps déjà révolus pour lui - ou, inversement, s'il envisage une anticipation, comme dans un roman de science-fiction - celui-ci reste dépendant de l'histoire, des conditions politiques, économiques et sociales de son époque. Pour prendre des cas extrêmes, si la censure sévit, s'il écrit en période de guerre, cela influence forcément son écriture : il est alors contraint à une grande prudence, obligé de trouver des stratégies de contournement. Il est donc essentiel, pour approfondir une oeuvre, de connaître le statut social de son auteur, sa situation économique, ses liens, plus ou moins étroits, avec les pouvoirs de son temps, les événements auxquels il a participé... Et, bien sûr, si son ouvrage évoque un fait historique, il convient d'en avoir une connaissance précise, pour mesurer le point de vue adopté.
Anicet Lemonnier, Lecture de la tragédie de "L'Orphelin de la Chine" de Voltaire dans le salon de madame Geoffrin en 1755, 1814.
Huile sur toile, 129 x 196, Musée national du Château de la Malmaison
L'histoire des idées
Mais l'histoire littéraire est aussi celle des idées, qui explique les changements dans les mentalités, le rejet de certaines conceptions pour adopter de nouvelles valeurs. Elle implique donc de s'intéresser à la philosophie, à la religion, à l'évolution des sciences et des techniques, aux autres arts, et aux changements dans les modes de vie...
On peut ainsi reconnaître, dans l'oeuvre de Rousseau, par exemple, le glissement du rationalisme, hérité de Descartes, au sensualisme, emprunté aux philosophes Locke et Condillac. De même, il est indispensable, face aux auteurs du XVI° siècle par exemple, de mesurer le poids des guerres de religion entre catholiques et protestants, et comment ils se déterminent : le protestant Agrippa d'Aubigné n'aura pas le même point de vue que le catholique Ronsard.
Comment aussi comprendre le naturalisme de Zola, la structure de son oeuvre, les Rougon-Macquart, quand on ignore tout des théories scientifiques de Claude Bernard ou des données scientifiques nouvelles sur l'hérédité ?
De nombreux exemples pourraient être cités, telles les modifications de la place de la femme dans la société, ou même l'évolution vestimentaire...
Auguste Rodin, Le Penseur, 1903.
Bronze, 180 x 98 x 145. Musée Rodin
Qu'est-ce qu'un mouvement littéraire ?
La littérature n'échappe pas à cette évolution. Les auteurs posent, eux aussi, de nouveaux thèmes ou critères de création, souvent par rejet de ceux qui les ont précédés - ou, au contraire, par désir de revenir à des modèles anciens. C'est pour mieux affirmer leurs intentions qu'ils se regroupent pour fonder un mouvement (ou courant), parfois avec d'autres artistes, peintres, sculpteurs, musiciens... , et en lien avec d'autres pays d'Europe.
Mais un mouvement littéraire ne naît pas et ne meurt pas soudainement. Il vient, le plus souvent, d'un changement progressif des mentalités qu'illustrent certains auteurs, alors nommés précurseurs : c'est le cas de Rousseau, précurseur du romantisme, par exemple. De même, il peut cohabiter avec un nouveau mouvement, en train de se mettre en place. Le XIX° siècle a vu ainsi se juxtaposer plusieurs courants littéraires.
De plus, pour se constituer en mouvement le groupe fait paraître des textes (préfaces, essais critiques, manifestes...) qui expliquent ses objectifs, posent ses thèmes et définissent son style. C'est le rôle qu'ont joué plusieurs préfaces de V. Hugo, celles de Cromwell ou Hernani, pour présenter le drame romantique.
On peut même associer un courant littéraire au lieu où se réunissent ses adeptes, tels certains salons aux XVII° et XVIII° siècles, ou la maison de Médan où se retrouvent, autour de Zola, les naturalistes.
La maison achetée par Zola
à Médan, en 1877