L'humanisme, ou l'homme au centre de toutes choses...
La société de la Renaissance
D'importantes mutations sociales ont lieu. Tandis qu'un nouvel art de vivre, raffiné, se développe dans les cours, la bourgeoisie prospère... mais la misère sévit encore dans les campagnes.
Le château de Chenonceau
V. Carpaccio, La Naissance de la Vierge, 1504.
Huile sur toile, 126 X 129.
Galleria dell Accademia Carrara, Bergame
La fenaison, vers 1510.
Page du bréviaire Grimaldi, Bibliothèque Marciana, Venise
La vie de la noblesse
L'héritage médiéval
La noblesse reste encore marquée par le mode de vie médiéval. L'occupation préférée est la chasse, et les jeunes gens sont élevés dans le maniement des armes, et la pratique les jeux de force et d'adresse, joutes et tournois ; les duels sont fréquents.
Cela explique son attitude lors des guerres de religion : chaque parti choisit son chef, figure du "suzerain". Ainsi les catholiques se groupent autour des ducs de Montmorency ou de Guise, avec l'appui du cardinal de Lorraine, tandis que les protestants se rangent derrière le prince de Condé et l'amiral de Coligny. L'ambition mène les batailles, féroces, et conduit aux pires cruautés.
Un nouveau raffinement
Mais les nobles rapportent d'Italie le goût du luxe. Le pouvoir royal devient prépondérant, et la cour est un centre d'attraction. Avec François Ier, qui veut rivaliser avec les cours italiennes, la noblesse cultive toutes les élégances et la vie mondaine se développe : en 1537, est traduit Le Livre du Courtisan, de Castiglione, véritable manuel d'un art de vivre raffiné. Henri III organise, lui, une "Maison royale" qui vit entre bals, fêtes, promenades...
Les forteresses du moyen âge se tranforment en d'élégants châteaux, tels ceux de la région de la Loire. La lumière y entre plus largement, les façades sont ornées de décors somptueux. Les vastes salles sont réchauffées par des tapisseries aux couleurs vives, les tables se couvrent de vaisselle ouvragée, le mobilier lui aussi s'enrichit, avec de la marqueterie polychrome, des colonnettes...
La bourgeoisie
Le monde paysan
Avec les conquêtes, en Europe, mais aussi dans les contrées nouvelles, le commerce se développe, pour le plus grand profit de la bourgeoisie. Elle aspire à jouer un rôle plus important, auprès des princes notamment, comme le banquier Semblançay, fils d'un marchand de Tours, qui devient le surintendant des Finances de François Ier, ou Sully. Ses enfants vont dans les meilleures écoles, et conquièrent tous les domaines de l'Etat : la finance, la justice, l'artisanat et l'industrie, la médecine... Les intérieurs reflètent cette nouvelle aisance. En témoigne le tableau de Carpaccio (cf. ci-dessus) qui représente la naissance de la Vierge dans un cadre qui illustre le confort bourgeois. Les toilettes sont plus luxueuses, et s'agrémentent de bijoux.
Indirectement, et malgré l'absence de progrès techniques, les paysans profitent de cette nouvelle aisance : les prix agricoles augmentent, certains paysans peuvent acheter de la terre, quitter les misérables chaumières pour bâtir une maison de pierre. Les guerres se font loin du sol français, les impôts sont supportables... Dans la 1ère moitié du XVI° siècle, les paysans vivent mieux qu'autrefois, réussissent à échapper à la famine, aux épidémies.
Mais les guerres de religion mettent un frein à ce soulagement. Les campagnes sont dévastées, les villages décimés...
Ecoutons le cri d'Agrippa d'Aubigné, lancé dans "Misères", livre I des Tragiques, oeuvre posthume parue en 1616.
Portrait d'Agrippa d'Aubigné, Anonyme, XVII° siècle. Huile
sur toile, 54 x 70. Collection privée. Cliché Musée Bernard
d'Agesci.
Lors on peut voir coupler troupe de laboureurs,
Et d’un soc attaché faire place en la terre
Pour y semer le blé, le soutien de la guerre ;
Et puis, l’an ensuivant, les misérables yeux
Qui des sueurs du front trempaient, laborieux
Quand, subissant le joug des plus serviles bêtes,
Liés comme des bœufs, ils se couplaient par têtes,
Voyant d’un étranger la ravissante main
Qui leur tire la vie et l’espoir et le grain.
Alors, baignés en pleurs, dans les bois ils retournent ;
Aux aveugles rochers les affligés séjournent ;
Ils vont souffrant la faim, qu’ils portent doucement […].
Sciences et techniques
Les découvertes scientifiques entraînent des progrès techniques. Mis au service de la mort, dans le domaine militaire par exemple, ils permettent aussi de mieux connaître l'homme et l'univers.
T. Chartran, Ambroise Paré au siège de Metz, 1886-1889. Huile sur toile marouflée. Un des neuf panneaux [ 4,20 x 35]. Décoration peinte de l'escalier d'honneur de la Sorbonne.
Bernard Palissy, Bassin rustique, 1550. Musée du Louvre.
F. Viète, L'algèbre nouvelle, trad. en français par A. Vasset. Format : 15x22 cm - 217 pages
Source : BnF / Gallica.
Une approche nouvelle
Ambroise Paré
Bernard Palissy
Au XVI° siècle, l'idéal est la connaissance universelle, et tous les savants se rejoignent dans une double volonté :
-
la remise en cause des superstitions, des interdits religieux, et des anciennes théories : rien ne doit être tenu pour acquis.
-
le passage des analyses théoriques à une méthode expérimentale, fondée sur l'observation, répétée jusqu'à pouvoir en tirer une loi.
Ainsi, aucun domaine n'échappe à la curiosité des savants humanistes, et l'approche scientifique connaît de profonds changements : le mathématicien, François Viète, par exemple, pose les bases de l'algèbre moderne et de la géométrie analytique. Olivier de Serres, lui, s'intéresse à l'agriculture, et est le premier à cultiver le mûrier pour produire de la soie.
Ces recherches, en effet, ont toujours une visée utilitaire, pour le meilleur, quand elles améliorent la navigation ou la médecine... ou pour le pire, quand il s'agit d'armement.
Comme son contemporain, Vésale, Ambroise Paré rejette l'ancienne théorie des "humeurs", et pratique la dissection qui permet de mieux connaître l'anatomie. Chirurgien sur les champs de bataille, Paré supprime la cautérisation des plaies au fer rouge après amputation, pour la remplacer par la ligature des veines et artères. Particulièrement attentif aux symptômes du patient, il explique précisément les traitements appliqués, et détaille les actes chirurgicaux dans de nombreux ouvrages.
Il est un parfait représentant de ces scientifiques, s'intéressant aussi bien à l'alimentation en eau, dans Discours admirable de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu'artificielles (1580), qu'à l'étude des sels minéraux dans les végétaux, à celle des fossiles, ou aux techniques de fabrication de l'émail.
Il me survint un autre malheur, lequel me donna grande fâcherie qui est que le bois m'ayant failli, je fus contraint brûler les tables et planchers de la maison, afin de faire fondre la seconde composition. J'étais en une telle angoisse que je ne saurais dire : car j'étais tout tari et desséché à cause du labeur et de la chaleur du fourneau ; il y avait plus d'un mois que ma chemise avait séché sur moi, et même ceux qui me devaient secourir, allaient crier par la ville que je faisais brûler le plancher ; et par tel moyen l'on le faisait perdre mon crédit, et m'estimait-on être fol [...].
B. Palissy, Recette véritable par laquelle tous les hommes de France peuvent apprendre à mutiplier et augmenter leurs trésors, 1563 : "pour fabriquer l'émail".
Par quoi, mon fils, je t'admoneste qu'emploie ta jeunesse à bien profiter en études et en vertus. [...] Des arts libéraux, géométrie, arithmétique et musique, je t'en donnai quelque goût quand tu étais encore petit, en l'âge de cinq à six ans ; poursuis le reste, et d'astronomie saches-en tous les canons. [...]
Et quant à la connaissance des faits de nature, je veux que tu t'y adonnes curieusement, qu'il n' y ait mer, rivière ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons ; tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et fructices des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tout Orient et Midi, rien ne te soit inconnu.
F. Rabelais, Pantagruel, 1532 : "Lettre de Gargantua à Pantagruel"
Les arts
Avec François Ier, les arts connaissent un épanouissement, sur le modèle de la Renaissance italienne. Ils sont aussi bien destinés à embellir la vie quotidienne qu'à un pur plaisir esthétique.
Zacchia Paolo, Portrait d’un joueur de viole,
XVI° siècle. Huile sur bois 89,1 x 62,5 cm.
Musée du Louvre, Paris.
Jean Goujon, La fontaine des innocents,
sculptée en 1550 sur des dessins de Lescot.
Place des innocents, Paris.
François Clouet, Portrait de Marguerite de France,
vers 1559. Encre brune, gouache, lavis, 29,7 x 21,3 cm.
Chantilly, Musée Condé - Photo : RMN/R. G. Ojeda
La musique
Comme dans bien d'autres domaines, la musique profane s'implante, aux dépens de la musique religieuse : elle est un des éléments essentiels de toutes les fêtes, dans tous les milieux sociaux. Sa diffusion est facilitée par l'imprimerie musicale, qui, venue d'Italie, se développe en France dès 1528.
Les instruments à cordes accompagnent de nouvelles danses, les "gaillardes", les "pavanes", et ceux à bois sont davantage présents, pour s'harmoniser avec les rondeaux et les madrigaux. Le chant polyphonique s'efface, au profit du chant à une seule voix.
Clément Jannequin (vers 1480-1558) domine son époque, avec plus de 300 chansons, aussi bien courtoises et lyriques que descriptives, parfois à grand renfort d'onomatopées et de jeux sonores. Dans la 2nde moitié du siècle, des musiciens comme Claude Lejeune et Roland de Lassus installent l'harmonie, en consacrant l'importance de l'accord dans le jeu instrumental. Le premier se lance dans des nouveautés rythmiques, en s'inspirant des rythmes de la versification antique. Le second met en musique aussi bien des chansons d'amour, mélancoliques, que des oeuvres pleines d'humour et de satire.
Deux oeuvres, à écouter : Clément Jannequin et Claude Lejeune
La sculpture
Pour ornementer les nouveaux édifices, la sculpture enrichit les balcons, les terrasses, les façades... Elle sort des églises pour décorer la ville, les ponts, les places. Parmi les nombreux artistes, citons Jean Goujon (1510- vers 1566) qui a su allier le modèle antique et une esthétique nouvelle, plus légère, plus gracieuse, en mouvement, comme celle qui anime les nymphes sur la fontaine des innocents. [Cf. illustration ci-dessus]
La peinture
A travers l'Europe, les artistes circulent : en France se fonde ainsi la première "Ecole de Fontainebleau", qui y répand l'influence de la Renaissance italienne. Pendant tout un temps, la peinture française en reprend les modèles, notamment mythologiques, en faisant la part belle à la nudité : il s'agit de répondre au nouveau faste des châteaux. Parallèlement, l'art religieux n'a pas disparu : Jean Cousin le Jeune peint, par exemple un Jugement dernier et une Descente de la croix.
Mais c'est surtout l'art du portrait qui se crée alors, en réponse au désir des princes d'asseoir leur gloire : dans ce domaine se distinguent particulièrement Jean et François Clouet. [Cf. tableau ci-dessus.]
Les nymphes de la fontaine des innocents
... et une remarquable exposition de la BnF sur les "dessins de la Renaissance" : cliquer sur le lien.