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La Préciosité : un mouvement social et culturel

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Observation du corpus 

Tout corpus s’organise en fonction de la problématique choisie pour traiter le thème retenu, en lien avec le XVIIème siècle, « La Préciosité : un mouvement social et culturel ».

L'introduction

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Une introduction est indispensable pour définir les contours de l’étude, à commencer, puisque le corpus concerne le XVIIème siècle, par un rappel du contexte historique, social et culturel de cette époque. Il est important aussi, avant d’aborder les différents auteurs de cette période, d’expliquer quelle était la situation antérieure, en l’occurrence la place de la femme dans la société et dans la vie littéraire au Moyen Âge et à la Renaissance. De là découle la mise en place de la problématique, c’est-à-dire de la question qui pose l’enjeu du corpus, «  Quelle influence la Préciosité a-t-elle exercé sur la vie littéraire du XVIIème siècle ? »

Déroulement de l'étude

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Le corpus, outre les cinq explications de textes, de genres et de tonalités différentes, et les lectures cursives en écho, est enrichi par des documents et des recherches complémentaires. Il accorde une place à l’histoire des arts, qui illustre les tendances de ce courant littéraire.

La séquence comporte également un exercice d’écriture à l’issue de l’étude, qui propose un choix entre le commentaire et la dissertation afin de s’entraîner à l’épreuve de français au baccalauréat.

Une lecture personnelle des Précieuses ridicules de Molière complète cette étude : guidée par un questionnement, elle conduit à la constitution d’un dossier qui sert de support à l’épreuve orale du baccalauréat.

La conclusion

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Il est indispensable, en faisant un bilan des textes étudiés, occasion de construire une synthèse sur les caractéristiques sociales, culturelles et littéraires du XVIIème siècle, d’apporter une réponse claire à la problématique, en dégageant les apports, mais aussi les abus de la Préciosité.

Introduction 

Le XVIIème siècle : contexte historique, social et culturel 

Pour revoir le contexte

Pour éviter les contresens et faciliter la compréhension des textes, il est utile de réactiver les acquis historiques. La vidéo proposée permet de concrétiser l'image de la société dans la seconde moitié du siècle

Introduction

Recherche lexicale 

Le terme vient du latin "pretiositas", attesté au début du Ier siècle dans Les Métamorphoses d’Ovide et signifiant "grande valeur, haut prix", lui-même dérivé de "pretium" (le prix) et de l’adjectif "pretiosus" (précieux). On le trouve au Moyen Âge sous la forme "précieuseté", avant qu’il ne se fixe dans sa forme actuelle. Mais, dès cette époque, il prend une connotation péjorative : par exemple, au XIIIème siècle le poète Eustache Deschamps à une femme de « faire la précieuse » parce qu’elle se donne un prix, qu'il juge excessif en refusant de répondre à ses avances. De même, dans les Enseignement d’Anne de France à sa fille, rédigés vers 1475 et publié ensuite par l’archiviste A.-M.. Chazaud, on y voit l’idée d’affectation inappropriée quand elle lui conseille de se comporter « sans mille mignotises ni préciosités ». Encore aujourd’hui, le dictionnaire Littré propose comme sens initial « Affectation dans les manières et le langage », avant d’évoquer le sens culturel qu’il prend au XVIIème siècle. Mais n'est-il pas abusif de critiquer celles et ceux qui souhaitaient apporter plus de raffinement dans des manières, des comportements, un langage encore souvent grossier ? 

Mise en place de la problématique 

Cette approche lexicale nous permet de poser la problématique de la séquence : « Quelle influence la Préciosité a-t-elle exercé sur la vie littéraire du XVIIème siècle ? » L’importance prise par ce mouvement, en particulier dans les salons mondains du XVIIème siècle, ne peut, en effet, être niée, et nous chercherons ce qui peut expliquer son succès. Mais il a aussi donné lieu à de nombreuses critiques, pour le manque de naturel et de simplicité qu’il a entraîné, jusqu’au ridicule dont se moque, notamment Molière.

L'image de la femme : de l'héritage au XVIIème siècle 

Ce sont les femmes, telles Madame de Rambouillet, Mesdemoiselles de Montpensier et de Scudéry, issues de la noblesse et instruites, qui ont été à la pointe de la Préciosité, : elles tiennent salon dans les « ruelles » où elles reçoivent les « beaux esprits » du temps. Elles contestent ainsi la place jusqu’alors accordée aux femmes.

Héritage

La condition féminine 

L'image traditionnelle des femmes

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Si, dans l’antiquité grecque, du moins à Athènes, les femmes sont, la plupart du temps, confinées dans le gynécée, sauf à l'occasion de cérémonies religieuses, déjà à Rome, elles disposent d’un peu plus de liberté, et la « matrone » peut sortir, aller sur le forum, se rendre au théâtre, et participer aux fêtes et aux festins. Certaines ont d’ailleurs exercé une véritable influence sur leur époux. Mais elles restent privées de tout droit juridique et politique.

Au Moyen Âge, dans les contes, les farces et les fabliaux, genres littéraires populaires, on se moque des femmes et de leurs multiples défauts, et des maris trompés. Cela reflète une société où la femme est le jouet de l’homme. De plus, pour l’Église chrétienne, depuis le péché d’Ève, la femme est un objet de tentation et elle est vouée à la perfidie. 

Ainsi, à cette époque, le mariage est une institution qui ne repose pas sur l’amour mais sur la puissance de l’autorité. Être amoureux ne garantit en rien le mariage car les filles sont livrées aux hommes par des marchés entre les pères. L’épouse n’a que des devoirs : elle tient le ménage et assure la descendance de son mari. Lorsqu’elle est mariée, elle est coupée du monde, son mari en fait ce qu’il veut car elle n’a aucun droit, pas même celui de gérer l’argent de sa dot ou d’éventuels héritages. 

La colère d'un mari jaloux. Illustration médiévale 

La colère d'un mari jaloux. Illustration médiévale 

Mais dans l’ensemble les femmes ne se rebellent pas et acceptent de garder le silence : sans éducation, elles n’ont pas d’autre choix. Parfois même elles sont satisfaites de leur condition car, à cette époque, c’est souvent le mariage ou le couvent. C’est cette conception qui explique la colère de Gorgibus, père des deux « précieuses » de Molière, à la fin de la scène 4 : « je veux être maître absolu, et pour trancher toutes sortes de discours, ou vous serez mariées toutes deux, avant qu’il soit peu, ou, ma foi, vous serez religieuses, j’en fais un bon serment. »

La Préciosité : un mouvement de contestation

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Mais, dès le début du XVIIème siècle, des femmes souvent fortunées, parfois veuves, réclament leur indépendance. Dans leur volonté de donner du prix à la condition féminine, elles revendiquent d’abord le droit de recevoir une véritable éducation, qui ne se limite pas aux tâches ménagères et à la religion, et, au mieux, à un apprentissage élémentaire de la lecture et de l’écriture et des notions de calcul pour qu’elles puissent tenir les comptes du ménage.

Visite officielle de Louis XIV et de Madame de Maintenon à la Maison royale de Saint-Louis, 1690. Gravure. BnF

Ainsi, peu à peu, la situation évolue, par exemple Mme de La Fayette apprend l’italien et le latin, comme Mme de Sévigné, qui y ajoute l’espagnol, et certaines s’initient au grec telle Mme de Rochechouart, la sœur de la favorite du roi, Mme de Montespan. Mme de Maintenon, avant d’épouser le roi, s’instruit aux côtés de son mari, l’écrivain Scarron, puis elle fonde, en 1686, la Maison royale de Saint-Louis, pensionnat destiné aux jeunes filles pauvres de la noblesse, qui leur fournit une véritable instruction, et le Traité de l’Éducation des filles de Fénelon, paru en 1687, se fait l'écho de ce nouvel élan.

Visite officielle de Louis XIV et de Madame de Maintenon à la Maison royale de Saint-Louis, 1690. Gravure. BnF

En réaction contre la vulgarité, voire la grossièreté, qui règnent encore dans les relations sociales sous le règne d’Henri IV, elles s’opposent aussi à la nature brute, aux instincts libres, en revendiquant le droit au respect, donc des comportements, des manières et un langage plus raffinés.  

Les femmes dans la vie littéraire 

L'héritage antique

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Quel rôle les femmes jouent-elles dans la vie culturelle de l’antiquité ? Certes, les Muses sont des créatures féminines, et la mythologie abonde en déesses ou héroïnes illustres… Mais cela ne leur accorde pas, pour autant, une place réelle dans la littérature. En Grèce, si l’on excepte les représentations des épopées homériques, la belle Hélène  dans l’Iliade, l’épouse fidèle Pénélope dans l’Odyssée, elles revêtent souvent les traits des héroïnes tragiques, tantôt épouses et mères, telles Hécube ou Andromaque, tantôt filles et sœurs comme Électre ou Antigone. Une seule femme fait exception, la poétesse Sappho, originaire de l’île de Lesbos, célèbre dans l’antiquité, mais dont seuls subsistent quelques fragments de son œuvre lyrique sur le thème de l’amour.

La poétesse Sappho, assise, lit un de ses poèmes dans un recueil à trois amies-élèves qui l'entourent. Vase de Vari, œuvre du groupe de Polygnote, vers 440-430 av. J.-C. Musée archéologique national, Athènes

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À Rome, aucune femme ne s’est consacrée à la littérature, qui en fait ressortir trois aspects :

  • Chez les auteurs comiques, Plaute ou Térence, dans la lignées des Grecs, Aristophane et Ménandre, elles sont, le plus souvent objets de satire : considérées comme frivoles, dépensières, trompeuses, elles sont dangereuses pour les jeunes gens qu’elles corrompent.

  • Les poètes élégiaques, en revanche, leur témoignent un amour sincère, Catulle pour Lesbie, Tibulle pour Délie, Properce pour Cynthie, mais qui leur cause aussi bien des souffrances.

  • Enfin, les historiens, eux, mettent en valeur une double image : tantôt idéalisée, c'est la femme vertueuse et patriote, prête à aller jusqu’au sacrifice… Mais certaines, telles Agrippine ou Messaline, n’hésitent pas à aller jusqu’au crime pour satisfaire leur ambition.

La littérature médiévale

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La satire des femmes ne diminue certes pas dans les fabliaux et les soties du Moyen Âge. Cependant, les femmes commencent à jouer véritablement un rôle dans la vie culturelle.
         Certaines sont de véritables mécènes, ouvrant leurs cours aux troubadours et aux trouvères, hommes ou femmes au talent musical apprécié. C’est le cas, par exemple, d’Aliénor d’Aquitaine (1122-1204) dont la cour raffinée réunit de nombreux artistes, ou de sa fille, Marie de Champagne (1174-1204), qui, elle aussi, se consacre à la vie culturelle. Toutes deux participent à promouvoir la « courtoisie » qui imprègne la littérature autour de trois thèmes : la fidélité, du vassal à son suzerain mais aussi de l’amant à la dame, le courage, qui doit animer tout noble chevalier, et l’amour, don de soi absolu qui refuse le mensonge et la lâcheté. 

Pour en savoir plus sur Marie de France et Christine de Pisan

Maître de Papeleu, manuscrit des Fables de Marie de France. Enluminures, vers 1290. BnF

Maître de Papeleu, manuscrit des Fables de Marie de France. Enluminures, vers 1290. BnF

       Deux femmes se distinguent dans la littérature médiévale profane :

  • Marie de France, à laquelle trois œuvres sont attribuées, les Lais (vers 1170, les Fables (vers 1180, et Le Purgatoire de Saint Patrick, vers 1189, qui témoignent de la culture de cette poétesse, maîtrisant le latin et l’anglais, mais aussi les œuvres de ses prédécesseurs, auteurs grecs, tel Ésope dont elle reprend plusieurs fables, latins ou celtes. Ses Lais offrent un parfait exemple de la « courtoisie », comme le « Lai du chèvrefeuille » qui raconte la tragique histoire d’amour de Tristan et Iseut.

  • La personnalité de Christine de Pisan (1364 ou 65-après 1431) est mieux connue que celle de Marie de France par La Vision, un récit largement autobiographique, dans lequel elle fait son portrait d’écrivaine et développe aussi ses conceptions littéraires. Vivant l’époque terrible de la guerre de Cent Ans, elle participe aux conflits de son temps entre Armagnacs et Bourguignons, et a aussi écrit des textes historiques, par exemple le Livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V le Sage (1404) ou le Ditié de Jeanne d’Arc, en 1429. Enfin, son travail de poétesse l’amène aussi bien à composer des ballades, rondeaux, virelais…, empreints de lyrisme, que des poèmes d’amour courtois, comme les Cent ballades d’amant et de dame (1407-1410).

La littérature féminine à la Renaissance

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Si l’on considère le rôle des femmes, tout particulièrement dans la vie culturelle, la Renaissance est une époque ambiguë.

Attribué à François Clouet, Marguerite de Navarre, seconde reine de France, vers 1569. Fusain et sanguine, 32,9 x 24,4. BnF

        D’un côté, en effet, autour de la reine Marguerite de Navarre, sœur de François Ier, de Marguerite de Valois, de Catherine de Médicis, se réunit une élite intellectuelle, car toutes protègent les artistes, écrivains, musiciens, peintres. Par exemple, Marguerite de Valois crée une cour raffinée à Nérac, que fréquente, entre autres, le poète Agrippa d’Aubigné, et elle a de nombreux échanges avec Montaigne. Elles sont d’ailleurs elles-mêmes des femmes de lettres, telle Marguerite de Navarre dont la formation intellectuelle, langues anciennes, italien, espagnol, théologie et philosophie…, fait d’elle une humaniste accomplie, ce qui ressort de ses œuvres, de nombreux poèmes, des farces et des essais, et surtout son Heptameron (1558-1559), recueil de 72 nouvelles imitant le Decameron de Boccace.

Attribué à François Clouet, Marguerite de Navarre, seconde reine de France, vers 1569. Fusain et sanguine, 32,9 x 24,4. BnF
Étienne Colaud, Anne de Graville présentant le Roman de Palamon et Arcita à la reine Claude de France, vers 1520-1524. Enluminure sur parchemin. Bibliothèque de l’Arsenal

De nombreuses femmes sont alors reconnues pour leurs écrits, telle Anne de Graville (vers 1490-1540), pour La belle dame sans merci, un recueil de rondeaux, ou son beau Roman des deux amants Palamon et Arcita et de la belle et sage Arcita, en 1521, qui annonce déjà le roman précieux. Leur thème de prédilection est l’amour, comme chez Hélisenne de Crenne (vers 1510-1560), aussi bien dans ses recueils de poèmes que dans ses Épîtres familières, qui révèlent déjà un ardent féminisme, ou dans ses romans, Les Angoisses douloureuses qui procèdent d’amour (1538) et Le Songe de madame Hélisenne (1540). De nombreuses poétesses gravitent aussi autour de l’École de Lyon, Jeanne Flore, Sibylle et Claudine Scène, et les plus connues, Pernette du Guillet et Louise Labé, dont l’inspiration se rapproche des formes de la Pléiade.

Étienne Colaud, Anne de Graville présentant le Roman de Palamon et Arcita à la reine Claude de France, vers 1520-1524. Enluminure sur parchemin. Bibliothèque de l’Arsenal

Pour en savoir plus sur l'École de Lyon

      Mais, d’un autre côté, si la Renaissance, en effet, célèbre leur beauté et leur esprit, les lois, en revanche, dégradent la situation des femmes : de nombreuses professions leur sont interdites, elles perdent de nombreux droits juridiques, et la loi salique est réinterprétée pour interdire aux femmes de transmettre la couronne royale ou d’en hériter.

À la fin du XVème siècle débute également ce que l’on nomme « la Querelle des dames », qui correspond, sur le plan littéraire, à une réduction de la place alors accordée à la femme. Une réflexion se développe autour de la place de la femme, d’abord au sein du mariage, mais, très vite, elle s'étend à tous les domaines, niant notamment ses droits à l’instruction, et, par contrecoup, sa participation à la vie culturelle. Il s’agit, pour les tenants de cette conception, d’associer la nature biologique des femmes à une infériorité intellectuelle et morale. Ont alors lieu les premières résistances féministes, réclamant le droit pour les femmes d’accéder à la culture et d’écrire, telle Catherine des Roches (1542-1587) qui proteste avec force contre « Des maris, qui seront les tyrans de leurs femmes, / Et qui leur défendant le livre et le savoir, /Leur ôteront aussi de vivre le pouvoir. » (« L’Agnodice »)

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Maître de la « Cité des Femmes », de Christine de Pisan, vers 1405-1415. Enluminure sur parchemin, 12 x 18. BnF

On comprend ainsi comment, s'appuyant sur ces revendications, la Préciosité a pu naître et s’affirmer progressivement.

Étude transversale : qu'est-ce que la Préciosité ? 

Préciosité

La vie des salons

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Ce sont les salons qui ont véritablement permis la naissance de la Préciosité, dont les plus connus – et les plus courus – sont ceux de Madeleine de Scudéry (1607-1701), de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet ( 1588-1665), de Mme de la Sablière (1640-1693), sans oublier les « cinq à neuf » quotidiens de la courtisane Ninon de Lenclos (1620-1705). Elles y réunissent les plus grands esprits de leur temps qui y donnent à lire leurs œuvres, objets de commentaires, d’analyse et, parfois, de débat, comme à propos de l’aveu fait à son mari par l’héroïne de La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette. Toutes sont particulièrement cultivées, telle Mme de La Sablière aussi accomplie en musique, en histoire, que dans les langues, latin, grec mais aussi italien, espagnol, dans la philosophie ou dans les sciences, astronomie, physique, mathématique, ce dont témoigne l’éloge adressé par La Fontaine :

François-Hippolyte Debon, Le Salon de l’Hôtel de Rambouillet, 1863. Peinture à l’huile, 240 x 319. Musée d’art et d’histoire de DreuxSalon-Rambouillet.jpg

François-Hippolyte Debon, Le Salon de l’Hôtel de Rambouillet, 1863. Peinture à l’huile, 240 x 319. Musée d’art et d’histoire de Dreux

[...] D'autres propos chez vous récompensent ce point :
Propos, agréables commerces,
Où le hasard fournit cent matières diverses,
Jusque là qu'en votre entretien

La bagatelle a part : le monde n'en croit rien.
Laissons le monde et sa croyance.
La bagatelle, la science,
Les chimères, le rien, tout est bon ; je soutiens

Qu'il faut de tout aux entretiens :
C'est un parterre où Flore épand ses biens ; [...]

(Fables, IX, 20, 1678, « Discours à  Mme de La Sablière »)

Les salons haussent la pratique de la conversation à un art de vivre, d’où le chapitre « De la société et de la conversation » que lui consacre La Bruyère dans ses Caractères. De ce fait, l’érudition est bannie, car il faut d’abord « plaire » et les règles de la bienséance s’imposent, un code de politesse mondaine auquel doit obéir le parfait "honnête homme". Sur leur modèle, se développent des « cercles », plus restreint, qui accueillent quelques invités choisis dans les « ruelles », espace laissé entre le lit de parade où la maîtresse de maison reçoit allongée, et le mur.

Abraham Bosse, Le Mariage à la ville, "La visite à l'accouchée", 1633. Eau-forte et burin, 260 x 340. Tours 

Abraham Bosse, Le Mariage à la ville, "La visite à l'accouchée", 1633. Eau-forte et burin, 260 x 340. Tours 

Le rôle primordial des femmes

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Les hommes sont, certes, assidus dans les salons, mais ce sont les femmes qui y jouent un rôle essentiel, comme le souligne Somaize dans son Grand Dictionnaire, en 1660 : « pour être précieuse, il faut ou tenir assemblée chez soi, ou aller chez celles qui en tiennent : c'est encore un loi assez reçue parmi elles de lire toutes les nouveautés, et surtout les romans, de savoir faire des vers et des billets doux. »

Nicolas Robert, La Guirlande de Julie, frontispice, 1641, BnF

D’abord, elles assurent la promotion de leurs œuvres, dont elles sont souvent les dédicataires, comme pour La Guirlande de Julie, recueil collectif de vingt-neuf poèmes, chacun illustré par Nicolas Robert d’une fleur, composés en l’honneur de Julie d’Angennes, fille de Mme de Rambouillet, cadeau pour sa fête en 1641. Autre exemple, François Bernier, qui, après ses nombreux voyages, fréquente le salon de Mme de la Sablière, à laquelle il dédie un ouvrage sur la philosophie de Gassendi.

Mais elles-mêmes ont aussi écrit, depuis les lettres de la marquise de Sévigné ou de Ninon de Lenclos, en passant par des poèmes ou des genres plus courts alors à la mode, telles les cent Maximes chrétiennes de Mme de La Sablière, parues à titre posthume en 1705. Mais ce sont sans doute les romans de Mlle de Scudéry qui illustrent particulièrement l’esprit des Précieuses : Artamène ou le Grand Cyrus, dix volumes publiés entre 1649 et 1653, Clélie, histoire romaine (dix volumes entre 1654 et 1660, mais aussi Almahide ou l’esclave reine (1660) et Mathilde d’Aguilar, histoire espagnole (1667).

Nicolas Robert, La Guirlande de Julie, frontispice, 1641, BnF

Toutes leurs œuvres mettent au premier plan le thème de l’amour, avec un goût prononcé pour les raffinements de l’analyse psychologique, l’accompagnant de revendications en faveur de l’autonomie des femmes, et présentant toutes les aliénations qu’elles subissent, notamment au sein du mariage. D’où une représentation de l’amour épuré, sublimé, héritage de l’amour courtois.

Le raffinement du langage

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L’importance prise par la conversation, associée au désir de corriger la grossièreté encore présente dans les mœurs et à toute la réflexion autour de la langue qui se développe chez les grammairiens et se traduit par la fondation de l’Académie française par Richelieu, en 1634, a amené les Précieuses à s’intéresser au langage dans la même volonté de l’épurer, de le raffiner.

Dans Le Grand dictionnaire, ou la clef de la langue des ruelles, Somaize donne de nombreux exemples de ce langage nouveau, qu’elles cherchent à imposer, notamment en supprimant les mots considérés comme vulgaires – comme le « cul-de-sac » remplacé par « impasse » –, et en multipliant les néologismes et les périphrases, parfois jusqu’à l’excès d’où les critiques de Somaize contre cet élitisme, mais aussi de Molière dans Les Précieuses ridicules et Les Femmes savantes.  Ainsi, le miroir devient « le conseiller des grâces » et un fauteuil une « commodité de la conversation » ; les adjectifs se changent en substantifs , « le doux », « le tendre », et les longs adverbes, le plus souvent hyperboliques, sont recherchés : « furieusement », « terriblement », « effroyablement ». Enfin, toutes les figures de style sont pratiquées, celles par analogie, comparaisons, métaphores ou allégories, qui créent des ressemblances inattendues, mais aussi celles par opposition, chiasme, oxymore, antithèses… Il s'agit d'accentuer la force spirituelle de l’expression en  provoquant un effet de surprise.

Honoré d'Urfé, L'Astrée, 1666, 1ère Partie, livre I : de "Quand il voulut ouvrir la bouche..." à "... dans la rivière." 

Pour lire l'extrait

Les quatre parties du roman d’Honoré d’Urfé,  L’Astrée, de douze livres chacune (dont la dernière, inachevée, est complétée par son secrétaire) paraissent entre 1607 et 1624. Le complément apporté au titre, « où par plusieurs histoires et sous personnes de bergers et d’autres sont déduits les divers effets de l’Honnête Amitié », en annonce le genre, un roman pastoral. Il l’inscrit aussi dans le courant précieux, en prônant un amour épuré, à travers les nombreux récits enchâssés – deux cents personnages au total ! L’intrigue qui régit l’ensemble se déroule au Vème siècle, dans un décor champêtre : le roman débute alors que, depuis trois ans que le berger Céladon et la bergère Astrée vivent une histoire d’amour en cachette à cause de leurs familles qui se détestent, leur idylle est brutalement troublée par la rivalité d’un autre berger, Sémire : il fait croire à Astrée que Céladon l’a trompée.

Quelle image de l’amour la rencontre entre les deux amants qui suit cette dénonciation met-elle en scène ?

Honoré d'Urfé, L'Astrée, 1612. Frontispice 
L'Astrée

1ère partie : une douloureuse rencontre (des lignes 1 à 13) 

Honoré d'Urfé, L'Astrée, 1612. Frontispice 

L'image de l'amour

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Le premier paragraphe se construit sur le contraste des sentiments des deux amants :

  • D’un côté, est mis en valeur l’amour ardent de Céladon pour celle dont il est sûr d’être aimé : il vient immédiatement « près de sa bergère », pour « lui donner le bonjour, plein de contentement de l’avoir rencontrée ».

  • Mais le narrateur, omniscient, annonce au lecteur l’échec à venir : « Ignorant son prochain malheur ». La comparaison, accentuée par l’hyperbole, met en valeur la réaction, brutale, d’Astrée : « à quoi elle répondit et de visage et de parole si froidement, que l’hiver ne porte point tant de froideurs et de glaçons. »

C’est par le geste de Céladon « le berger frappait dans la rivière du bout de sa houlette », qu’est traduit son trouble devant cet accueil inattendu.

Claude Gellée, dit Le Lorrain, Paysage pastoral, 1644. Huile sur toile, 98 x 137. Musée de Grenoble 

Le rôle du décor

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Le cadre est celui, traditionnel, des pastorales, un décor champêtre, au bord d’une rivière, ici le Lignon : c’est le "locus amoenus", le lieu des amours idylliques, devenu un topos littéraire depuis les Bucoliques de Virgile et les poètes élégiaques latins. Ce lieu est, traditionnellement, un lieu protégé et sûr : ici, ils sont assis tous deux en surplomb de la rivière, « sur un tertre un peu relevé, contre lequel la fureur de l’onde en vain s’allait rompant, soutenu par en bas d’un rocher tout nu, couvert au dessus seulement d’un peu de mousse. »

Claude Gellée, dit Le Lorrain, Paysage pastoral, 1644. Huile sur toile, 98 x 137. Musée de Grenoble 

Cependant, la description introduit déjà une menace, car la rivière n’a pas le calme habituel mais coule avec une violence intensifiée par le lexique  : « le dégel avait si fort grossi son cours, que, tout glorieux et chargé des dépouilles de ses bords, il descendait impétueusement dans Loire ». Le décor devient alors le miroir de l’état d’âme de Céladon : en frappant l’eau de sa houlette, « il ne touchait point tant de gouttes d’eau, que de divers pensers le venaient assaillir ». Le lexique militaire utilisé dans la comparaison des gouttes d’eau jaillissantes à « de divers pensers  qui venaient l’assaillir » révèle le combat qu’il vit en lui-même, et la violence de l’eau reproduit celle du trouble qui l’agite : ses « pensers » « flottant comme l’onde, n’étaient point si tôt arrivés, qu’ils en étaient chassés par d’autres plus violents. » Nous reconnaissons dans cette comparaison le symbolisme propre au courant baroque : l’eau y représente tout ce qui passe, tout ce qui est éphémère, et ici elle est le présage d’une douloureuse rupture amoureuse.

2ème partie : un  rejet brutal (des lignes 14 à 28) 

L'analyse du sentiment amoureux

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Comme il sera de règle dans tous les romans précieux ultérieurs, de longs passages sont consacrés à l’analyse du sentiment amoureux, à nouveau pour marquer l’opposition des deux amants.         

       Céladon, face à cet accueil, cherche à comprendre avant de parler, et la litote met en évidence sa bonne foi et son innocence : « Il n’y avait une seule action de sa vie, ni une seule de ses pensées, qu’il ne rappelât en son âme, pour entrer en conte avec elles, et savoir en quoi il avait offensé ». La répétition négative de l’adjectif, « n’en pouvant condamner une seule », ferme ce bilan intérieur. Le récit le place alors en position de victime, subissant une colère incompréhensible pour lui : « son amitié le contraignit de lui demander l’occasion de sa colère ». Le terme « amitié », dans le langage précieux, renvoie à un amour sincère et profond.

Matthias Petersen, Astrée et Céladon, scène pastorale, 1645. Gravure pour illustrer l’édition danoise de L’Astrée

Matthias Petersen, Astrée et Céladon, scène pastorale, 1645. Gravure pour illustrer l’édition danoise de L’Astrée

        Le contraste avec Astrée est mis en valeur par le pronom tonique qui ouvre la phrase suivante et, à nouveau, le narrateur propose une analyse de sa réaction à partir d’une double hypothèse : « Elle qui ne voyait point ses actions, ou qui les voyant, les jugeait toutes au désavantage du berger ». Est ainsi montrée la force du sentiment de jalousie, dont la périphrase verbale souligne qu’il se développe de lui-même jusqu’à enflammer, sens étymologique de l’adjectif « ardent », tout l’être : elle « allait rallumant son cœur  d’un plus ardent dépit, si bien que, quand il voulut ouvrir la bouche, elle ne lui donna pas même le loisir de proférer les premières paroles sans l’interrompre ». Toute tolérance est alors rendue impossible.

La violence du discours direct

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Il s’ouvre par une exclamation, dont la violence est accrue par les adjectifs insultants redoublés : « Ce ne vous est donc pas assez perfide et déloyal berger, d’être trompeur et méchant envers la personne qui le méritait le moins ». Le pluriel, « vos infidélités »,  accentue encore une faute, dont la gravité est présentée comme impardonnable, puisqu’il persiste dans la tromperie : « vous ne tâchiez d’abuser celle qui vous a obligé à toute sorte de franchise ! » L’anaphore de « donc » dans une nouvelle exclamation traduit toute la colère d’Astrée, qui s’exalte à chaque accusation de trahison, faute suprême de l’amant, amplifiée par les choix lexicaux et les adverbes d’intensité : « vous avez bien la hardiesse de soutenir ma vue après m’avoir tant offensée ; donc vous m’osez présenter sans rougir ce visage dissimulé qui couvre une âme si double et si parjure ! »

Le discours se ferme sur le rejet, lancé par l’interjection indignée, par le redoublement de l’impératif et la reprise de l’insulte « perfide » par « perfidies » : « Ah ! va en tromper une autre, va, perfide, et t’adresse à quelqu’un de qui tes perfidies ne soient pas encore reconnues ». La conclusion de cette violente tirade reprend le reproche de tromperie, imagé par le lexique, « te pouvoir déguiser à moi », et les pluriels à nouveau le multiplient : « et ne pense plus de te pouvoir déguiser à moi qui ne reconnais que trop à mes dépens les effets de tes infidélités et de tes trahisons. » Nous reconnaissons là l’amour-propre de la femme blessée qui tente de se réhabiliter à ses propres yeux.

3ème partie : le désespoir de Céladon (de la ligne 29 à la fin)

Un amant désespéré

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Pour rendre plus dramatique le désespoir de Céladon, le narrateur prend à témoin son destinataire, en lui faisant partager, par sa question rhétorique, la douleur de son personnage : « Que devint alors ce fidèle berger, celui a bien aimé le peut juger, si jamais telle reproche lui a été faite injustement. » La comparaison met en évidence la gestuelle, théâtralisée, « Il tombe à ses genoux, pâle et transi plus que n’est une personne morte. », et l’hypothèse émise dans sa question est une façon aussi de reconnaître la toute-puissance de la « dame », comme le veut l’amour courtois : « Est-ce, belle bergère, lui dit-il, pour m’éprouver ou pour me désespérer ? » C’est du reste cette toute-puissance qu’exprime la riposte violente d’Astrée, renouvelant à la fois son reproche et son rejet, rendu insistant par les négations : « Ce n’est, dit-elle, ni pour l’un ni pour l’autre, mais pour la vérité, n’étant plus de besoin d’essayer une chose si reconnue [...] Va-t’en, déloyal, et garde-toi bien de te faire jamais voir à moi que je ne te le commande. » Cependant, en proclamant le désir de « vérité » de son héroïne, l’écrivain montre son aveuglement : elle n’a pas remis en cause la dénonciation qui lui a été faite.

Un dénouement tragique

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Comme le veut la tragédie, les amants sont victimes, certes de celui qui a injustement accusé Céladon, mais aussi du destin adverse, ici représenté par la figure mythologique du dieu « Amour » : « Céladon voulut répliquer ; mais Amour qui oit si clairement, à ce coup, lui boucha pour son malheur les oreilles ». Tous deux sont donc enfermés dans le silence, et il ne reste plus que la gestuelle pour marquer la rupture : « et parce qu’elle s’en voulait aller, il fut contraint de la retenir par la robe [...] Mais elle, que la colère transportait, sans tourner seulement les yeux vers lui, se débattit de telle furie qu’elle échappa, et ne lui laissa autre chose qu’un ruban, sur lequel par hasard il avait mis la main [...] ».  La première coupure effectuée dans le texte correspond à une ultime protestation de Céladon qui annonce aussi son geste, la seconde apporte une précision sur la bague agrafée au ruban. Ces deux passages affaiblissent, en fait, le dénouement.

« Le saut de Céladon », vers 1640, d’après L’Astrée . Tapisserie de Bruges, laine et soie, Coll. de la Bastie d’Urfé

« Le saut de Céladon », vers 1640, d’après L’Astrée . Tapisserie de Bruges, laine et soie, Coll. de la Bastie d’Urfé

En revanche, les dernières paroles de Céladon mettent en valeur son désespoir et son ultime témoignage d’amour, symbolisé, comme jadis dans les tournois médiévaux, par le ruban qu’il noue à son bras : « Sois témoin, dit-il, ô cher cordon, que plutôt que de rompre un seul des nœuds de mon affection, j’ai mieux aimé perdre la vie, afin que, quand je serai mort et que cette cruelle te verra peut-être sur moi, tu l’assures qu’il n’y a rien au monde qui puisse être plus aimé que je l’aime, ni amant plus mal reconnu que je suis. » Ce gage d’amour, associé à une protestation d’innocence, est renforcé par son geste, « baisant la bague », signe de respect et promesse de fidélité que confirme son interpellation à l’objet : « Et toi, dit-il, symbole d’une entière et parfaite amitié, sois content de ne me point éloigner à ma mort, afin que ce gage pour le moins me demeure de celle qui m’avait tant promis d’affection. »  Si les paroles ont donné de la solennité à cet adieu, en revanche, le récit du suicide est rapide : «  À peine eut-il fini ces mots que, tournant les yeux du côté d’Astrée, il se jeta les bras croisés dans la rivière. »

CONCLUSION

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Nous ne sommes qu’au début de ce long roman ; Céladon sera sauvé de la noyade par la nymphe Galatée, et il vivra encore de nombreuses péripéties avant de pouvoir retrouver celle qu’il aime.

Mais cet extrait illustre déjà la place que prend la peinture de l’amour dans la Préciosité, avec le désir d’en dépeindre toutes les subtilités, qui s’accompagne d’une résurgence de l’esprit "courtois" : Céladon est l’amant parfait face à sa « dame » toute-puissante, prêt à mourir de désespoir quand elle le rejette. Même si l’intrigue, vécue par des bergers dans un cadre rustique, est censée se dérouler au Vème siècle, il s’agit donc bien, comme le précise le titre complet, de répondre au goût de l'aristocratie en montrant « les divers effets de l’Honnête Amitié » tels que se les représente le XVIIème siècle. C’est ce qui explique le succès du roman dans les salons, et à travers l’Europe avec de nombreuses traductions.

Lectures cursives 

Pour lire l'extrait de Somaize

Antoine Baudeau, sieur de Somaize, Le grand Dictionnaire ou La Clef de la langue des ruelles, 1660, extrait

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La langue précieuse obéit à un double souhait : de refus de toute vulgarité et  d’élégance raffinée. Mais le sous-titre du Grand Dictionnaire d’Antoine de Somaize, paru en 1660, dénonce une autre dimension de ce langage propre aux salons précieux, son hermétisme : il faut une « clef » pour le décrypter ! L’ouvrage est donc une critique des excès de la Préciosité, comme celle que lance Molière dans Les Précieuses ridicules ou Les Femmes savantes.

L’extrait propose quelques exemples significatifs des transformations que la Préciosité fait subir au langage.

      D'abord, tout ce qui relève du corps est banni, comme grossier et contraire aux bienséances. Il est donc nécessaire de trouver des périphrases pour désigner, par exemple, les « couches », l’accouchement, de remplacer par des formules imagées ce qui relèverait de la scatologie, comme « la chaise percée » ou « le cul », et le verbe « boire » devient « le Cher nécessaire »... Même l’aspect animal des chevaux disparaît par leur changement en des jouets d'enfant, les « pluches », orthographe vieillie de « peluches ».

        Le procédé le plus fréquent est donc le recours à la périphrase, qui rend systématiquement plus complexe l’expression, comme quand le verbe « achever » est remplacé par « rendre complet ». Si certaines sont formées simplement par description, comme « l’assemblage de quatre corniches » pour désigner « le carrosse », d’autres révèlent les modes du temps, comme « Le mémoire de l’avenir » pour l’« almanach », un « inquiet », blâme de « l’homme d’affaire » qui n'a pas le loisir propre à la noblesse, ou pour le rôle accordée à l’astrologie quand ,les « astres » sont désignés comme « Les pères de la fortune et des inclinations ».

        Le langage précieux use et abuse de l’abstraction, avec un goût particulier pour l’adjectif, parfois substantivé, tel « avoir du fier contre quelqu’un », pour « être en colère », et le plus souvent, hyperbolique, comme ceux choisis pour « pas ajusté », « nécessiteux d’agrément », ou pour le verbe « aimer », avoir « un furieux tendre ». Hyperboliques aussi les adverbes, comme dans l’image du chien qui « s’ouvre furieusement » quand il fait ses besoins.

       Enfin, ce désir d’élégance s’accompagne de la création de métaphores qui se veulent poétiques,  telles « Contentez, s'il vous plaît, l'envie que ce siège a de vous embrasser. » pour inviter quelqu’un à s’asseoir, ou «  L'amour a terriblement défriché mon cœur. » pour exprimer l’attendrissement. Mais certaines exigent, pour être comprises, de percevoir comment est créée l’image : «  Vous m'encendrez et m'encapucinez le cœur. » pour signaler une « grande affection » renvoie à l’image du feu, qui met en cendres ce qu’il touche, et à la dévotion extrême du moine capucin, dépeint par le capuchon qui le couvre…

Nous mesurons déjà,  à travers ces quelques exemples, à quel point ce langage précieux peut être obscur aux non-initiés, comme le montre La Bruyère dans son portrait d’« Acis ».

La Bruyère, Les Caractères ou Les Mœurs de ce siècle, 1688-1690, « De la société et de la conversation », VI-VII

Pour lire les deux textes et la proposition de lecture cursive, on se reportera aux documents complémentaires à l'étude d'« Arrias » de La Bruyère, dans la séquence sur l"Honnête homme".

Pour se reporter à l'étude de La Bruyère

Charles de Montausier, La Guirlande de Julie, 1641, « Le Narcisse »: deux madrigaux

Pour lire le poème et se reporter à l'explication

Dès 1631, Charles de Montausier (1610-1690), familier de l’Hôtel de Rambouillet, fait la cour à Julie d’Angennes, fille de la Marquise de Rambouillet. Il ne conclut ce mariage qu’en 1645, en renonçant à sa religion protestante. Il obtient ensuite son duché et devient Gouverneur du Dauphin, fils de Louis XIV.

La Guirlande

L’Hôtel de Rambouillet est un des lieux emblématique de la Préciosité, et Julie est, avec sa mère, l’animatrice du salon qui reçoit tous les précieux de temps. C’est ce qui donne au duc, en 1633, l’idée de composer, avec une vingtaine d’autres poètes, un recueil intitulé La Guirlande de Julie, composé de soixante-deux madrigaux sous le nom de différentes fleurs, qui vont toutes représenter une allégorie de l’amour, dont seize écrits par le duc, auxquels les éditions modernes en ont ajouté trente, que le duc avait, à l’origine, rejetés. La jeune femme, dite « l’incomparable Julie », trouve donc, le 1er janvier 1641, suspendu à sa garde-robe, le manuscrit richement décoré, où chaque auteur fait parler une fleur en l'honneur de la jeune fille.

Ce recueil, illustré par le peintre de fleurs, Nicolas Robert, lui fut remis le jour de sa fête. Six madrigaux sont consacrés au narcisse. Comment le mythe de Narcisse est-il mis au service de la déclaration d'amour ?

Nicolas Robert, Narcisse des forêts, 1676. Eau-forte, 41,5 x 30,5. Musée du Louvre

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Lectures cursives 

Pour lire les deux poèmes

Vincent Voiture, Poésies, 1650, "Pour vos beaux yeux auteurs de mon trépas"

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​Le poème de Voiture (1587-1648) est un rondeau, genre poétique très à la mode dans les salons précieux. Il tire son nom de l’italien « rondo », et de son origine médiévale populaire, au XIIIème siècle, une ronde dansée et chantée. Sa structure est fixe, ici des décasyllabes (parfois des octosyllabes), sur trois strophes et sur deux rimes, alternant rimes masculine et féminine, avec un « refrain » qui reprend le premier vers dans le dernierEn général, le rondeau est largement consacré à l’amour. Ici, Voiture fait l’éloge des « yeux » de la femme aimée, thème traditionnel puisqu’ils sont considérés comme le miroir de l’âme. Dans ce XVIIème siècle féru de mythologie, le poète imagine un conflit entre les dieux de l’Olympe, énoncé en parallèle dans le deuxième et l’avant-dernier vers : « Hier dans le Ciel se firent maints combats », « Et tout le Ciel est rempli de débats ». Il oppose les dieux, dont l’admiration est hyperbolique, depuis celle d’Amour, puis de Mars jusqu’à celle même de Saturne, dieu cruel qui tua ses fils, aux déesses, Iris, la messagère des dieux, Pallas, c’est-à-dire Athéna, et Vénus elle-même, probablement toutes trois jalouses devant de si « beaux yeux ».

À la façon des « blasons », poèmes qui font l'éloge d'un trait, le plus souvent physique, ce rondeau célèbre ainsi une beauté, telle que même les dieux se querellent, comme ils l’ont fait lors de la guerre de Troie, dont l’origine mythologique était la beauté irrésistible d’Hélène, enlevé par le troyen Pâris à son époux, le grec Ménélas.

Isaac de Benserade, Vingt sonnets sur la beauté et sur la laideur, 1698, III, "Beaux yeux"

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Benserade choisit, lui, le sonnet, autre forme poétique fixe héritée de l’italien Pétrarque, mise à la mode par les poètes de la Pléiade, et encore très appréciée des Précieux. Il se compose de deux quatrains,  et de deux tercets, sur quatre rimes. Identiques dans les quatrains, elles y sont, en principe, embrassées avec alternance entre rime féminine et masculine, mais ici Benserade recourt aux rimes croisées ; pour les tercets, il suit la tradition du sonnet dit « français », une rime suivie et deux rimes croisées : ccd – ede. Par l’anaphore de l’interpellation, « Beaux yeux », ainsi personnifiés, il procède à la façon des « blasons », mais son poème descriptif de la beauté est réduit ici aux quatorze vers du sonnet.

Nous y reconnaissons les caractéristiques du langage précieux, l’adverbe « incessamment », les hyperboles telles « un si doux mouvement », « tant de puissance », « divin charme des sens », et surtout la métaphore comme « source vive et féconde ». Enfin, conformément à la tradition, le sonnet  se termine par une « chute », qui répond aussi au jeu d’esprit recherché dans les salons précieux : «  Votre amour est en sentinelle / Pour attraper tous les passants. » Cette nouvelle métaphore souligne, en écho au premier quatrain, le danger que peut représenter l’amour, capable d’attaquer le « doux repos » d’un cœur…

Synthèse : les genres poétiques propres à la Préciosité 

Outre le madrigal (cf. Montausier), le rondeau (cf. Voiture), et le sonnet (cf. Benserade), qui peuvent aussi former un blason, d’autres genres poétiques sont appréciés des Précieux.

  • L’épigramme est particulièrement court, le plus souvent satirique, d’où l’importance de la « pointe » spirituelle qui le termine.

  • Le bout-rimé et l’impromptu sont des jeux de salon : le genre restant libre, il s’agit, pour le premier de composer un poème dont les rimes ont été énoncées par avance, pour le second de l’improviser.

Comme dans les textes précédemment étudiés, tous ces poèmes répondent aux tendances de la Préciosité, avec une multitude d’allusions mythologiques, et une recherche de l’effet de surprise, notamment par le recours à l’allégorie, aux antithèses et aux métaphores.

Mademoiselle de Scudéry, Artamène ou Le Grand Cyrus,  1649-1653, le portrait de Cléomire 

Pour lire l'extrait

Le Grand Cyrus

Le roman de Mlle de Scudéry, publié en dix parties, soient trente mille pages, entre 1649 et 1653, a connu un immense succès dans les salons précieux. Outre les trente récits enchâssés, qui introduisent plus de quatre cents personnages, il présente les aventures de Cyrus, conquérant et fondateur de l’empire perse au VIème siècle av. J.-C., derrière lequel se masque le grand Condé et ses victoires. Car ce roman doit aussi une part de son succès aux « clefs », placées  qui révèlent quelles personnes du XVIIème siècle se dissimulent derrière les personnages principaux. L’autre raison est les multiples péripéties, qui s’enchaînent, entre amours contrariés, tel celui de Cyrus pour Mandane, secrets et aventures, souvent incroyables… Tous les personnages illustrent les vertus prônées par la Préciosité – ou les défauts accusés – tel le portrait de Cléomire, qui prend pour modèle Mme de Rambouillet. Comment l’éloge qu’il développe  reflète-t-il les critères propres à la Préciosité ?

Frontispice d’Artamène ou Le Grand Cyrus, édition de 1654

Frontispice d’Artamène ou Le Grand Cyrus, édition de 1654

1ère partie : introduction (des lignes 1 à 8) 

L'énonciation

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L’énonciation donne l’impression d’une conversation entre la narratrice et son lecteur, interpellé, auquel est posée une énigme, véritable défi vu l’exigence absolue : « Imaginez-vous la beauté même, si vous voulez concevoir celle de cette admirable personne ». Le portrait s’annonce ainsi immédiatement comme un vibrant éloge. Pour permettre la résolution de cette énigme, la narratrice procède en deux temps, d’abord par des rejets, « je ne vous dis point », auxquels s’oppose le conseil affirmatif : « mais je vous dirai que, pour représenter Cléomire, il faudrait… »

Le rôle de la mythologie

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Pour caractériser son héroïne, la romancière recourt à ce qui est une tradition au XVIIème siècle, dans la peinture et, comme nous l’avons vu, dans les poèmes précieux, la mythologie. Quatre déesses soutiennent ici la comparaison, mais, pour chacune, est mise en évidence l’infériorité par rapport à la beauté de Cléomire, non pas pour des qualités physiques, mais pour le caractère. 

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Ainsi, Vénus, déesse de l’amour, ne serait « pas assez modeste », alors que Pallas (soit Athéna), déesse de la guerre mais aussi de la sagesse, serait « trop fière », Junon,   protectrice du mariage et de la fécondité, ne serait « pas assez charmante », et Diane, protectrice de la chasse, serait « trop sauvage ». Entre les adverbes « pas assez » et « trop », toutes ces déesses comportent donc un défaut, manque ou excès, dont est dépourvue Cléomire. D’où la conclusion, « il faudrait prendre de toutes les figures qu’on donne à ces déesses ce qu’elles ont de beau »; mais, même ainsi, la beauté de Cléomire ne serait pas parfaitement illustrée, puisque ce ne serait finalement qu’une « passable peinture ».  

2ème partie : le physique, reflet de l'âme (des lignes 9 à 20) 

Portrait de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, jeune femme

L'éloge de la beauté

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Le portrait s’ouvre sur l’allure d’ensemble, « Cléomire est grande et bien faite », image confirmée par « la majesté de toute sa personne est digne d’admiration ». Il se fixe ensuite sur son visage, avec une reprise de l’adjectif déjà employé dans le premier paragraphe, « tous les traits de son visage sont admirables », et les deux superlatifs qui le qualifient sont encore renforcés par l’implication insistante de la narratrice : « Sa physionomie est la plus belle et la plus noble que je vis jamais ». Cependant, aucun détail précis ne nous permet d’imaginer véritablement Cléomire, comme si les mots manquaient pour peindre une telle beauté : « la délicatesse de son teint ne se peut exprimer », « il sort je ne sais quel éclat de ses yeux qui imprime le respect dans l’âme de tous ceux qui la regardent ». La narratrice cherche surtout à faire partager au lecteur son éloge, encore renforcé par la généralisation. Les termes porteurs de l’éloge, « majesté », « respect », « noble », révèlent aussi le statut social élevé de Cléomire, source de sa distinction naturelle.

Portrait de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, jeune femme

Le portrait de l'âme

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Mais le portrait met en parallèle ses caractéristiques physiques – d’où la redondance du verbe « voir » dans tout le paragraphe – et ses traits de caractère, « il paraît une tranquillité sur son visage qui fait voir clairement qu’elle est celle de son âme. », parallélisme repris en conclusion à la fin du paragraphe : « ainsi Cléomire étant toujours également tranquille, est toujours également belle… » Nous retrouvons ici à la fois l’idéal grec du «  καλὸς κá¼€γαθÏŒς », qui associe la beauté du corps et celle de l’âme, et l’idéal de « l’honnête homme » qui, au XVIIème siècle, met au premier plan des valeurs la modération, l’équilibre, la maîtrise de soi, illustrée ici par la métaphore : « On voit même en la voyant seulement que toutes ses passions sont soumises à raison et ne font point de guerre intestine dans son cœur ». Pour prouver ce jugement général, la narratrice avance comme exemple un trait physique, pour, à nouveau, imposer son jugement : « je ne pense pas que l’incarnat qu’on voit sur ses joues ait jamais passé ses limites et se soit épanché sur tout son visage », si ce n’a été par la chaleur de l’été ou par la pudeur, mais jamais par la colère ni par aucun dérèglement de l’âme ». Pour expliquer la rougeur du visage, le rythme binaire  oppose une cause naturelle, « la chaleur de l’été » ou une qualité estimable, « la pudeur », mais rejette, avec des négations insistantes, ce qui seraient des défauts : « jamais par la colère ni par aucun dérèglement de l’âme ». 

3ème partie : la personnalité de Cléomire (de la ligne 21 à la fin) 

Le dernier paragraphe du portrait nous rappelle la prédominance que la Préciosité accorde à la vie de l’esprit, qui est aussi un miroir de l’âme, comme la beauté physique : « Au reste, l’esprit et l’âme de cette merveilleuse personne surpassent de beaucoup sa beauté ». C’est l’association de ces deux parts de l’être qui forme la personnalité.   

Les qualités intellectuelles

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Le portrait développe longuement les qualités intellectuelles de Cléomire, dont l’esprit est présenté par une hyperbole : il « n’a pas de bornes dans son étendue ». Mlle de Scudéry insiste, comme le veulent les Précieuses, sur l’importance de l’instruction,  car l’intelligence innée ne suffit pas : « L’esprit de Cléomire n’est pas un de ces esprits qui n’ont de lumière que celle que la nature leur donne, car elle l’a cultivé soigneusement ».  

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La narratrice se pose à nouveau en témoin de cet éloge, accentué par la litote : « je pense pouvoir dire qu’il n’est point de belles connaissances qu’elle n’ait acquises. » Divers exemples de cette culture sont ensuite mentionnés, « Elle sait diverses langues », elle a une large curiosité, car elle « n’ignore presque rien de tout ce qui mérite d’être su » ; enfin une insistance particulière est portée sur la vie littéraire, qu’elle maîtrise parfaitement, « Au reste personne n’a eu une connaissance si délicate qu’elle pour les beaux ouvrages de prose ni pour les vers », au point de pouvoir en faire une fine critique : « elle en juge ». Cela nous rappelle à quel point les salons précieux mettaient au premier plan la vie littéraire.

Les vertus de Cléomire

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Une énumération offre un tableau des nombreuses vertus de « l’âme » de Cléomire qui « n’a point d’égale en générosité, en constance, en bonté, en justice et en pureté ». Ces qualités sont celles prônées au XVIIème siècle, la « générosité » renvoie à la grandeur d’âme, qui manifeste le sens de l’honneur, la « constance », qui rappelle la « tranquillité » mentionnée dans le deuxième paragraphe, équilibre et modération ; par sa naissance, elle se doit de pratiquer la « bonté » et la « justice », auxquelles s’ajoute la « pureté », image d’une vertu supérieure.

Une phrase est consacrée à une qualité indispensable à « l’honnête homme », la sociabilité, qui lui dicte un parfait comportement, le refus de tout pédantisme malgré sa vaste culture, et une extrême discrétion, éloge à nouveau amplifié par des hyperboles : « elle le sait sans faire semblant de le savoir et on dirait à l’entendre parler, tant elle est modeste, qu’elle ne parle de toutes choses admirablement comme elle fait, que par le simple sens commun et par le seul usage du monde. » Son environnement est d’ailleurs en harmonie avec ses qualités : « L’ordre, la régularité et la propreté sont dans tous ses appartements et à tous ses meubles ; tout est magnifique chez elle et même particulier ».

La conclusion marque l’apogée de cet éloge de sa « modération merveilleuse », adjectif qui accorde, en effet, à Cléomire une dimension supérieure, presque surnaturelle. La narratrice la place ainsi « beaucoup au-dessus » des autres femmes, alors même qu’elle prend soin de préciser « ne quittant jamais la bienséance de son sexe », afin de rappeler que son héroïne respecte les codes de civilité propres à cette époque.

Abraham Bosse, Les femmes à table en l’absence de leurs maris, 1636. Eau-forte, 214 x 315. Musée des Beaux-Arts, Tours

CONCLUSION

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Tant dans la poésie qu’en prose, les salons précieux ont mis à la mode les genres littéraires brefs, qui peuvent être lus en public et commentés. Parmi eux, le portrait prend toute sa place, d’où l’importance qu’il revêt aussi dans le roman. La récurrence du verbe « voir » souligne ici le rôle primordial de l’apparence, qui se confond, en fait, avec l’essence même de la personne, Ainsi, alors même qu’il est impossible, à partir des indications données, de se représenter concrètement Cléomire, le lecteur est invité à partager l’éloge dithyrambique de sa valeur qui l’inscrit pleinement dans les critères intellectuels, sociaux et moraux, fondateurs de l’idéal de  "l’honnête homme".

En même temps, ce portrait si élogieux rappelle la volonté des précieuses de revaloriser la condition féminine, en montrant qu’une femme ne vaut pas seulement pour sa beauté, mais aussi par ses qualités d’esprit, et qu’elle n’est pas vouée à  la seule fonction d’épouse et de mère.   

Langue : les figures de style 

Pour se reporter à la synthèse

La volonté de la Préciosité de rechercher un langage plus raffiné, plus élégant, et de mettre en valeur les jeux d’esprit, amène un emploi très fréquent de figures de style, que les textes étudiés nous ont déjà permis d’observer. C’est l’occasion de proposer une synthèse, les classant en quatre catégories : les figures par opposition, par analogie, par substitution et par amplification  ou atténuation. 

Molière, Les Précieuses ridicules, 1662, scène 4, de « Le moyen de bien recevoir… » à la fin  

Pour lire l'extrait

Jacques Leman, illustration des Précieuses ridicules, 1882. Edition Hachette, BnF

Jacques Leman, Les Précieuses ridicules, 1882. Ed. Hachette, BnF

Les Précieuses ridicules, comédie jouée en 1659, est le premier succès remporté par la troupe de Molière qui, après ses années de tournée en province, dispose, grâce à l’appui royal, d’une salle à Paris. Le titre illustre tout l’enjeu de la pièce : dénoncer, par le rire, les excès des mœurs du temps, de la Préciosité.

L’exposition, en offrant le portrait des deux précieuses, Cathos et Magdelon, fait par La Grange et Du Croisy, les deux amants qu’elles ont rejetés, a donné au public le désir de les découvrir, et a laissé pressentir le conflit entre elles et Gorgibus, qui a arrangé ce double mariage. Dans la première partie de la scène 4, c’est Magdelon qui mène la révolte contre son père : « La belle galanterie que la leur ! Quoi débuter d’abord par le mariage ? » Dans la longue tirade précédente, elle développe sa propre conception de la séduction attendue, fondée sur sa lecture des romans précieux dont elle souhaite voir reproduire le déroulement.

Devant l’incompréhension de Gorgibus, « Quel diable de jargon entends-je ici ? Voici bien du haut style. », Cathos, sa cousine vient soutenir son argumentation. Pour mieux comprendre l'évolution du conflit et la satire de Molière, l’explication suit les trois étapes de l’extrait.

Pour se reporter à l'explication

Précieuses ridicules

Lecture cursive : analyse de l'image « La carte du pays de Tendre » de Mlle de Scudéry, Clélie, histoire romaine, 1654-1670

Pour lire le texte

La « carte du pays de Tendre », réalisé par François Chauveau pour illustrer Clélie, histoire romaine (1654-1660) de Mlle. de Scudéry, illustre bien les étapes que doit parcourir le parfait amant – et les risques qu'il court –  pour offrir à la femme aimée un amour absolu, digne du « prix » qu'il lui donne.

Notons déjà le choix du mot « Tendre », sentiment à propos duquel Furetière, dans son Dictionnaire Universel (1690), explique : « La délicatesse du siècle a renfermé ce mot dans l’amour et dans l’amitié ». C’est un premier exemple de la volonté précieuse de raffiner les composantes du sentiment amoureux.

Le texte conduit à observer les trois routes proposées, avec les comportements à adopter, mais aussi les obstacles qui menacent.  

Pour se reporter à la lecture cursive

La Carte de Tendre, attribuée à François Chauveau, illustration de Clélie, histoire romaine 

La Carte de Tendre, attribuée à François Chauveau, illustration de Clélie, Histoire romaine 

Histoire des arts : Jacques Stella, Clélie passant le Tibre, vers 1635-1645 

Pour lire le récit de Mlle de Scudéry

Jacques Stella, Clélie passant le Tibre, vers 1635-1645. Huile sur toile, 137 x 101 cm. Musée du Louvre

Jacques Stella, Clélie passant le Tibre, vers 1635-1645. Huile sur toile, 137 x 101 cm. Musée du Louvre

Comme l’indique son sous-titre, le roman de Mlle de Scudéry emprunte son sujet à l’« histoire romaine », la lutte entre Tarquin le Superbe, dernier roi  de Rome de 534 à 509 av. J.-C. et le roi étrusque Porsenna qui lui dispute le pouvoir : pour cesser le combat, ce qui permettra finalement d'établir la république, ce dernier a exigé des jeunes filles en otages. C’est ce contexte qui sert de cadre à l’épisode de leur fuite, illustré par le tableau de Stella (1596-1657) Clélie passant le Tibre. La jeune fille est restée un des symboles du patriotisme et du courage des femmes romaines. Ainsi, indépendamment de l’intrigue amoureuse complexe, thème cher à la Préciosité, Mlle de Scudéry, par cette héroïne qui mène ses sœurs vers la liberté, rend aussi hommage à la lutte des femmes pour leur émancipation

Plutarque, Vie de Publicola, vers 46 av. J.-C., § 19

Pendant que les conventions s'exécutaient, Porsenna, dans sa confiance, avait déjà supprimé tout appareil guerrier. Les jeunes filles livrées par les Romains descendirent donc, pour se baigner, à un endroit où la berge, en forme de demi-lune, entourait le fleuve, assurant le calme et la tranquillité des eaux. Comme elles ne voyaient ni gardes, ni passants, ni barques montées, l'envie les prit de se sauver à la nage, malgré la violence du courant et les profonds tourbillons du Tibre. D'après quelques auteurs, l'une d'entre elles, nommée Clélie, passa le fleuve à cheval, encourageant ses compagnes qui nageaient et les réconfortant. Mais lorsque, s'étant échappées, elles se présentèrent à Publicola, le consul, loin de les admirer ou même de les approuver, se fâcha, parce que sa bonne foi se révélerait inférieure à celle de Porsenna et que l'acte d'audace des jeunes filles serait interprété comme une fourberie des Romains.

HIDA-Stella

Valère-Maxime, Des faits et des paroles mémorables, 24-31 av. J.-C., III, 2, 2

Clélie me fait oublier ma résolution, Clélie, qui, presque dans le même temps, du moins contre le même ennemi et dans ce même fleuve du Tibre, accomplit aussi avec tant d'audace une action d'éclat. Entre autres jeunes Romains, elle avait été donnée en otage à Porsenna. Pendant la nuit, échappant à la surveillance de ses gardes, elle monta sur un cheval et traversa rapidement le fleuve. Ainsi cette jeune fille à la fois s'affranchit de sa condition d'otage et libéra sa patrie de la crainte en donnant aux hommes un éclatant exemple de courage.

Pour voir l'analyse du tableau

Molière, Les Femmes savantes, 1672, I, 1, d’« ARMANDE. – Mon dieu, que votre esprit… » à «…. des pauvretés horribles. »

Pour lire l'extrait

Femmes savantes

Dans Les Précieuses ridicules, Molière s’en prenait déjà aux excès de celles qui suivaient aveuglément la mode de la Préciosité. Mais il en restait alors à la farce, alors que, dans Les Femmes savantes, pièce en cinq actes et en vers jouée en 1672, sa critique est beaucoup plus élaborée : il dénonce, non seulement le ridicule du langage et de la littérature précieux, mais aussi, la volonté de ces femmes d’accéder au savoir scientifique et philosophique.

Cette critique est mise en place dès la scène d’exposition, à travers le débat entre les deux sœurs, Henriette, qui souhaite épouser celui qu’elle aime, et Armande, son aînée, symbole des souhaits des Précieuses. À la question que vient de lui poser Henriette, « Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire, / Que d’attacher à soi, par le titre d’époux, / Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous […] ? »,  elle lui expose vivement sa propre conception. Quelle image de la Préciosité donne l’argumentation qui soutient cette tirade ?

Les Femmes savantes, mise en scène de Catherine Hiegel, 1987. Comédie-Française

Les Femmes savantes, mise en scène de Catherine Hiegel, 1987. Comédie-Française

1ère partie : le refus du mariage (vers 1 à 7) 

L’exclamation qui ouvre la tirade révèle immédiatement le mépris d’Armande pour sa sœur, avec une métaphore particulièrement péjorative : « Mon Dieu, que votre esprit est d’un étage bas ! » Son accusation est directe, « Que vous jouez au monde un petit personnage », et son injonction attribue à Henriette les qualificatifs méprisants en la comparant à des « gens grossiers » et à des « personnes vulgaires ».

Ce mépris vient de l’image, tout aussi péjorative, qu’Armande se fait du mariage, des « choses du ménage », formule vague comme s'il lui était impossible même de les nommer. Le verbe « claquemurer » le compare à une véritable prison. Dans sa seconde exclamation, par la négation restrictive, elle rejette les sentiments liés au mariage qui conduisent sa sœur à « n’entrevoir point de plaisirs plus touchants / Qu’un idole d’époux et des marmots d’enfants ! » Le terme « idole » dénonce les épouses qui voient en leur mari une divinité vénérée, en réalité un faux dieu, et rappelons que le mot « marmot » renvoie à une figure grotesque, telle celle d’un singe. La formule vague, « Les bas amusements de ces sortes d’affaires », est une périphrase qui, pour éviter toute expression choquante, désigne à la sexualité liée au mariage. Il est donc jugé dégradant pour une femme, qui aliène ainsi sa liberté.

2ème partie : l’éloge de l’étude (vers 8 à 17) 

La deuxième partie de la tirade s’oppose à la première, puisqu’à l’adjectif « bas » redoublé dans la critique, répondent la hauteur des deux superlatifs, mélioratifs : « À de plus hauts objets élevez vos désirs », repris par « des plus nobles plaisirs ». Ainsi, l’argumentation repose sur l’opposition entre le corps, « les sens et la matière », considéré comme la part inférieure de l’être humain, et la vie intellectuelle, supérieure, d’où la double injonction, hyperbolique : « Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs, /Et, traitant de mépris les sens et la matière,/ À l’esprit, comme nous, donnez-vous tout entière. »

Pour soutenir cette argumentation, Armande fait appel au modèle maternel, qu’elle-même revendique orgueilleusement de suivre : « Vous avez notre mère en exemple à vos yeux, / Que du nom de savante on honore en tous lieux: / Tâchez, ainsi que moi, de vous montrer sa fille ». Cet écho au titre de la pièce, associé au verbe « honore », lui-même amplifié par l’hyperbole spatiale, nous rappelle le sens même du terme "Préciosité", la volonté de se donner du prix.

À la critique du mariage répond donc l’éloge de l’étude, des « clartés », que les Précieuses veulent acquérir, alors que l’instruction leur a longtemps été refusée. Armande remplace ainsi le sentiment d’amour, propre au mariage, par « l’amour de l’étude » : son conseil, « Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs / Que l’amour de l’étude épanche dans les cœurs. », est accentué par les hyperboles, l’adjectif « charmantes », qui le montre comme irrésistible, et le verbe « épanche » qui traduit l’abondance et la puissance de ces « douceurs ».

3ème partie : une conclusion antithétique (vers 18 à 27) 

La fin de la tirade forme une conclusion : elle en reprend les deux parties, qu’elle oppose plus fortement encore.

Le rejet du mariage

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L’image initiale de la prison est ici remplacée par celle de l’esclavage que le mariage impose à la femme : « Loin d’être aux lois d’un homme en esclave asservie ». La même image de bassesse est reprise, liée à nouveau au refus de la sexualité, « la partie animale, / Dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale. » La critique s’élargit ici pour englober, par un nouveau recours à l’hyperbole, toutes celles qui approuvent le mariage : « Et les soins où je vois tant de femmes sensibles / Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles. »

Les Femmes savantes, mise en scène de Bruno Bayen, 2010. Comédie-Française

L'amour de l'étude

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La métaphore injonctive, « Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie », fait sourire, d'autant plus que la diérèse sur le verbe accentue la valeur sacrée ainsi donnée à la philosophie, suivie  d'un vibrant éloge, poursuivi sur quatre vers. Nous y retrouvons l’idée d’une élévation rendue possible grâce à cette étude qui, en privilégiant l’esprit sur le corps, comme si, entre les deux, se livrait un véritable combat, le libère : elle « nous monte au-dessus de tout le genre humain, / Et donne à la raison l’empire souverain, / Soumettant à ses lois la partie animale ». La reprise du lexique propre à l’amour  complète cet éloge, présenté comme une obligation incontournable : « Ce sont là les beaux feux, les doux attachements / Qui doivent de la vie occuper les moments ».

Les Femmes savantes, mise en scène de Bruno Bayen, 2010. Comédie-Française

CONCLUSION

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Toute la tirade se fonde sur l’opposition, caractéristique de la Préciosité, entre la condition traditionnelle de la femme, destinée à être épouse et mère, et les revendications des Précieuses, le droit à l’instruction. Toute l’argumentation, en effet, se construit sur des jeux d’antithèses entre l’image péjorative du mariage et l’éloge de l’étude, dans sa dimension la plus haute, la « philosophie ».

Mais Molière, par le ton méprisant qu’il lui prête et par l’accumulation des impératifs, signes de son orgueil, dévalorise Armande, personnage porte-parole de la Préciosité. Son dégoût de tout ce qui relève du corps est rendu excessif, et n’oublie-t-elle pas, en prenant sa mère comme « exemple », que celle-ci s’est mariée et a eu deux filles ?

Mise en scène de Jean Meyer, 1964, pièce filmée pour l’ORTF

Lecture cursive : Molière, Les Femmes savantes, 1672, II, 7 : la tirade de CHRYSALE à Bélise 

Pour lire l'extrait

Chrysale a affirmé à son frère sa volonté d’imposer sa volonté à son épouse, Philaminte, mais face à elle il a bien du mal à lui résister. Ainsi, quand la servante Martine est renvoyée parce que son langage « offense[…] la grammaire », il exprime sa colère en feignant de s’adresser à sa sœur, Bélise, et non pas à sa femme. Mais, malgré sa précaution oratoire, « Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse : / Car c’est, comme j’ai dit à vous que je m’adresse. »,  les descriptions révèlent bien à qui sont réellement destinés ses violents reproches.

Les Femmes savantes : la colère de Chrysale

Les Femmes savantes : la colère de Chrysale

Cette longue tirade permet de marquer l’opposition entre la conception traditionnelle de la femme, qu’il défend, et les pratiques des Précieuses, ridiculisées.

L'image traditionnelle de la femme

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Placée au cœur de la tirade, des vers 14 à 27, une énumération soutient l’éloge du rôle d’épouse et de mère traditionnellement dévolu à la femme, associé à l’idée de moralité : elles « ne lisaient point, mais elles vivaient bien ». Cependant, en faisant l’éloge de cette conception, Chrysale devient aussi le porte-parole de l’infériorité alors attribuée aux femmes, auxquelles toute instruction un peu poussée était alors refusée : « une femme en sait toujours assez / Quand la capacité de son esprit se hausse / À connaître un pourpoint d’avec un haut de chausse. » Il y a, dans cette réduction de leur capacité intellectuelle à différencier le haut et le bas d’un vêtement masculin, un évident mépris

Nous reconnaissons, dans les récriminations de Chrysale contre ses serviteurs, la volonté d’avoir une épouse capable de gérer sa maisonnée, donc de veiller à son propre bien être : « L’un me brûle mon rôt, en lisant quelque histoire ; / L’autre rêve à des vers, quand je demande à boire : / Enfin, je vois par eux votre exemple suivi, / Et j’ai des serviteurs, et ne suis point servi. » Mais ce qui peut nous sembler aujourd’hui bien égoïste est alors largement la norme sociale.

La critique de la Préciosité

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Il s’en prend, dans un premier temps, à l’étude, à laquelle les Précieuses revendiquent le droit d’avoir accès : « Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, / Qu’une femme étudie et sache tant de choses. » Les exemples qu’il prend, la grammaire, les livres, la philosophie, ou l’astronomie, sont, à ses yeux, sans valeur : « Vous devriez brûler tout ce meuble inutile ». En fait, c’est le fait même d’aspirer à la « science », terme répété et amplifié par la diérèse, qu’il refuse.

La fin de la tirade s’en prend plus précisément aux prétentions littéraires des Précieuses, qui les a amenées à produire elles-mêmes des œuvres à succès : « Les femmes d’à présent sont bien loin de ces mœurs : / Elles veulent écrire, et devenir auteurs. » La tirade se ferme sur une attaque d’un de ces précieux, « ce Monsieur Trissotin », au nom évocateur (trois fois "sot") qui interviendra dans l’acte III. Mais Molière en profite, en fait, pour régler ses propres comptes avec l’abbé Cotin, poète mondain et académicien apprécié dans les salons précieux, qui avait attaqué ses pièces.

 

Cette tirade constitue donc une riposte à l’éloge formulé par Armande dans la scène d’exposition, mais Chrysale, lui aussi, ne fait-il pas preuve d’excès dans sa critique ?

Vidéo : mise en scène de la scène 2 de l'acte III des Femmes savantes par Daniel Annotiau, 2018, Théâtre des Deux Rives, Versailles

Avant de visionner cette mise en scène, il est utile de réviser les éléments qui participent à la mise en scène, en se reportant au site « Parcours littéraires » qui les récapitule. 

Effets techniques

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Toute la force de la scène vient de la parole, depuis la lecture par Trissotin de son sonnet, jusqu’aux réactions des trois Précieuses. Tout effet technique aurait donc été inapproprié.

Décor et accessoires

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Le décor, avec ses colonnes ornementales, sa tapisserie murale et les fauteuils tapissiers, représente le salon d’un bourgeois fortuné. Les deux documents au mur, un atlas et une planche lexicale illustrée, nous rappelle la volonté des Précieuses de s’instruire.

Costumes et accessoires

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Les costumes s’inscrivent dans le contexte du siècle de Louis XIV, mais restent sobres. Leur teinte correspond à l’âge et au statut social des personnages, un brun plus sombre pour Philaminte, la mère de famille, une couleur pastel pour Henriette, et le blanc qui peut traduire le désir de « pureté » d’Armande. En revanche, le rose soutenu paraît plutôt ridicule pour Bélise, la sœur de Chrysale, d’âge déjà avancé : il conviendrait mieux à une fillette, tout comme le ruban noué dans ses cheveux !

Le jeu des acteurs

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Les déplacements

Une fois que les acteurs se sont assis sur les fauteuils apportés ici, non par le valet L’Épine mais par une servante, aucune didascalie n’indique le moindre déplacement. Cependant, vu la vanité de Trissotin, le fait qu’il se lève pour déclamer ses textes est tout à fait vraisemblable, de même que lorsque Philaminte mime le combat contre la fièvre. Le comique de gestes est encore accentué quand les trois femmes, en répétant le sonnet, forment un chœur enthousiaste autour de Trissotin, jusqu’au moment où leur vénération pousse Armande et Bélise à s’agenouiller.

Notons cependant que le metteur en scène a nettement séparé Henriette du groupe, auquel elle ne prête aucun intérêt, occupée à lire et à plier un ruban comme pour signaler ainsi qu’elle différencie une œuvre de valeur des poèmes ridicules de Trissotin, mais aussi qu’elle a trouvé un équilibre entre une occupation "féminine" et une autre, plus intellectuelle.

La gestuelle

Le contraste est nettement souligné entre la sobriété des gestes d’Henriette, qui traduisent tous son désintérêt, et l’exagération de la gestuelle précieuse. Les gestes d’Armande, amples, donnent parfois l’impression qu’elle va s’évanouir sous le coup de son émotion, qui, chez Philaminte et Bélise, est exprimée par la façon dont la première agite son éventail, et la seconde son bras, comme pour parvenir à « respirer ». On notera aussi comment Armande, rejetant pourtant toute sensualité, se rapproche de Trissotin, pose la main sur son bras, comme si elle tentait de le séduire. Trissotin, lui, joue l’homme supérieur, quand, à chaque « interruption » de Bélise, il s’assied comme accablé, avant de se relever solennellement.

Les mimiques

La volonté de caricature est particulièrement mise en valeur par les mimiques, correspondant au caractère de chaque personnage. Les yeux levés au ciel, la moue fréquente, son air parfois partagé entre l’étonnement et le rire font d’Henriette la spectatrice de cette scène, dans laquelle Trissotin se met lui-même en valeur. Son sentiment de supériorité se marque par l’air agacé qui accompagne les interruptions de Bélise, signalées dans la seule didascalie du passage : « À chaque fois qu’il veut lire, elle l’interrompt. Il se sent insulté dans son statut d’auteur, et ses regards, exaspérés, semblent montrer que les commentaires de chaque passage lui pèsent parfois, même si, par ailleurs, il savoure aussi l'admiration des précieuses, à laquelle fait écho sa propre admiration pour son génie, illustrée par le rire qui accompagne la "pointe" de son épigramme. Le metteur en scène veut-il ainsi indiquer qu’il n’a guère de respect pour la sottise des trois femmes ? 

Face à lui, les trois précieuses arborent des mines extasiés, yeux exorbités, bouche ouverte, large sourire ébloui… Ces effets sont davantage exagérés chez Bélise, qui, par exemple, semble s’étouffer simplement en entendant le mot « amour ».

L'intonation

Ces mêmes sentiments se reflètent dans les intonations de la voix, froideur pour Henriette, solennité pour Trissotin, qui scande sa lecture pour en mettre en valeur les plus « beaux » passage », ainsi que le [e] des rimes féminines, en principe muet mais qu’il prononce en le détachant. Les cris d’admiration se multiplient chez les précieuses, leur répétition des poèmes est ridiculisée par la façon dont elle est excessivement prononcée. Enfin, à nouveau, c’est la caricature de Bélise qui ressort de ses rires et de ses gloussements, qui l’infantilisent.

Lecture d'image : Abraham Bosse, Les Vierges folles, vers 1635. Eau-forte, 260 x 230 cm. BnF

Le thème, l’opposition des « vierges folles » aux « vierges sages », est tiré d’une parabole de l’Évangile selon Matthieu (XXV, 1-13), rappelée par les lampes à huile sur le sol, et le vase renversé, désordre dans la pièce qui symbolise le désordre dans les âmes de ces jeunes femmes qui ne pensent pas à cultiver les vertus qui les feront entrer au paradis. Mais les quatre quatrains qui figurent au bas de la gravure montrent qu’en réalité Abraham Bosse s’en prend aux Précieuses, « vierges » par leur refus du mariage, mais « folles » par leurs comportements qu’il blâme violemment.

Tu vois comme ces Vierges folles

S'amusent inutilement

Après des actions frivoles,

Dont Elles font leur Elément.

Les Jeux, les Festins, la Musique,

La Danse, et les livres d'Amour ;

C'est à quoi leur Esprit s'applique

Y passant la nuit, et le jour.

Ô que ces Âmes insensées

Chérissent les Mondanités !

Leurs paroles, et leurs pensées

Ne s'attachent qu'aux Vanités.

D'un faux lustre leur vie éclate ;

Elles aiment ce qui leur nuit

Et lors que le Monde les flatte,

Il les enchante et les détruit.

Bosse-vierges-folles.jpg

Par son luxe, avec les tapisseries et les tableaux aux murs, le grand miroir, la cheminée au manteau sculpté, et son ameublement, le décor illustre parfaitement la richesse des salons précieux, qui réunissent, à l’origine, des femmes de la noblesse, statut social indiqué également par leur robe, rehaussée de dentelle, et leurs coiffures élaborées. Le petit chien couché sur son coussin correspond à la mode croissante d’avoir auprès de soi des animaux familiers.

La gravure dénonce des « actions frivoles », dont l’une renvoie à un défaut  traditionnellement attribué aux femmes : c’est la vanité de celle qui se contemple dans le miroir. Autre reproche d’une pratique jugée immorale, le jeu alors pratiqué dans les salons : deux de ces femmes tiennent en main des cartes.

Mais Bosse va plus loin pour dénoncer les « Âmes insensées » de ces précieuses. Le globe terrestre placé en évidence sur la table renvoie à leur désir de s’instruire, de même qu’il critique leur goût pour les arts, la musique d’abord, avec celle de droite qui lit une partition en attendant peut-être que celle qui tient une guitare à la main ne se mette à en jouer. Enfin, il met en évidence la place accordée aux livres, entre ceux posés sur le tabouret et celui que lit la jeune femme, sans doute passionnant car les trois autres arrêtent leur occupation pour l’écouter attentivement.

Autant d’images qui font écho à la rime associant, dans le texte, ces « Mondanités » à des « Vanités ».

Conclusion 

Conclusion

Réponse à la problématique

Les apports de la Préciosité

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Le féminisme

Pour revendiquer leur « prix », les Précieuses se sont élevées contre tout ce qui, dans la société, tendait à les rabaisser au rang d’objets.

Elles refusent donc que les rapports entre les hommes et les femmes ne soient que l’expression d’un instinct sexuel, jugé grossier, et prônent le célibat, pour que la femme garde son autonomie à une époque où la plupart des mariages sont encore arrangés par les familles. Autour du mariage, elles ont lancé de nombreux débats, en en montrant les conséquences terribles pour les femmes, à commencer par la maternité, car beaucoup meurent alors à cause des accouchements, mais aussi la servitude juridique et économique. Pour elles, le mariage doit être librement conclu  fondé sur l’amour et sur une égalité entre les époux, et le droit au divorce est réclamé. Tout cela s’inscrit dans la littérature à travers le portrait des personnages et la représentation des relations amoureuses.

Pour que la femme puisse obtenir cette indépendance, elle doit aussi avoir droit au développement, non pas seulement de ses talents d’épouse et de mère, mais de ses aptitudes intellectuelles. Ainsi des traités pédagogiques, tels ceux de l’abbé Fleury, de Mme de Lambert, Fénelon…, commencent à s’intéresser à l’instruction des filles. Un des rôles des salons a notamment été de diffuser largement les connaissances, de faire découvrir l’histoire et la géographie, les sciences, la philosophie et la littérature. Pour les Précieuses, la femme est toute aussi capable que l’homme d’user de sa raison, et c’est ce qu’elles entendent bien prouver, comme le résume Antoine Adam :

Les précieuses sont d'abord des femmes qui se révoltent contre le joug du mariage et contre la lourde discipline que les mœurs continuent d'imposer à la jeune fille. Elles affirment le droit de la femme à disposer librement d'elle-même, à choisir le compagnon de sa vie, à cultiver, s'il lui plaît, avant et durant le mariage, l'art et les belles lettres, à connaître les plaisirs de l'esprit. Dans cette revendication d'une vie plus libre, elles vont, comme l'on peut penser, plus ou moins loin. Certaines ne craignent pas de belles audaces. D'autres se borneraient à un assouplissement de la vieille tradition. Mais toutes sont d'accord sur un point : c'est que la condition présente de la femme est intolérable.
A. Adam, « Baroque et préciosité » in Revue des Sciences humaines (1949)

Malgré les critiques, parfois violentes, qui ont été lancées contre elle, la Préciosité laisse en héritage ces revendications féministes, qui ne feront que se développer dans les salons du XVIIIème siècle, où l’on considère que les femmes aussi ont droit aux « lumières ». 

Dans la vie sociale

À la fin du XVIème siècle, c’est encore à la Cour que se déroule la vie mondaine. Or, avec la Préciosité, même si la cour reste un pôle d’attraction – et surtout quand le roi s’installe à Versailles – les salons prennent peu à peu une place prédominante, et les conversations qui s’y livrent, les lectures et les concerts privés, transforment la vie sociale. Ils favorisent l’idéal de « l’honnête homme », cette sociabilité liée à l’art de plaire dans la discrétion et le respect des bienséances qui fonde ce qu’on a pu appeler l’« esprit français ». Renouvelant aussi la « courtoisie » médiévale, le rôle joué par les femmes, tantôt muses, tantôt animatrices des débats, y détermine la « galanterie », un code de politesse et d’égard mêlé à un jeu de séduction spirituelle. En porte témoignage notamment la poésie précieuse, madrigaux, sonnets ou épigrammes, où est recherchée l’expression originale et surprenante.

Charles Perrault, Parallèle des anciens et des modernes, Tome I, seconde édition, 1692

Dans la littérature

Dans les salons les auteurs viennent lire leurs œuvres, les assistants aussi font des lectures d’œuvres diverses, et l’assemblée peut alors juger… Ainsi se développe l’esprit critique, et se mettent en place les critères de jugement, par exemple, la vraisemblance, le respect des bienséances, la finesse dans l’analyse des sentiments, en particulier de l’amour, mais aussi les valeurs transmises, générosité, noblesse, grandeur d’âme… La Préciosité a donc largement contribué à forger les règles qui seront celles du  « classicisme ». Elles ont également introduit des mots nouveaux et tenté de fixer l’orthographe de façon plus logique par rapport à l’étymologie et à la prononciation. Enfin, même si l’héritage de l’antiquité grecque et romaine reste vivant, sa volonté d’inscrire dans la littérature les idées du siècle de Louis XIV annonce déjà la « Querelle des Anciens et des Modernes », qui divise l’Académie et les milieux littéraires dès 1637, avec les critiques lancées contre Le Cid de Corneille, et éclate ouvertement quand Charles Perrault, en 1687, dans un poème Le Siècle de Louis le Grand, remet en cause le modèle antique et fait l’éloge de l’époque contemporaine.

Charles Perrault, Parallèle des anciens et des modernes, Tome I, seconde édition, 1692

Les excès de la Préciosité

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Cependant, la Préciosité a fait l’objet de nombreuses critiques, d’abord parce que, devenant une mode, elle a donné lieu à des excès aussi bien dans les comportements que dans le langage, comme l’ont dénoncé Molière ou La Bruyère.  

      En voulant être raffiné, le langage est, en effet, parfois devenu une sorte de galimatias incompréhensible, abusant des mots abstraits et des images ridicules, complexifiant aussi la syntaxe. C’est ce que résume cette définition des Précieuses par Somaize :

Elles sont encore fortement persuadées qu'une pensée ne vaut rien lorsqu'elle est entendue de tout le monde, et une de leur maxime de dire qu'il faut nécessairement qu'une précieuse parle autrement que le peuple, afin que ses pensées ne soient entendues que de ceux qui ont des clartés au-dessus du vulgaire, et c'est à ce dessein qu'elles font tous leurs efforts pour détruire le vieux langage, et qu'elles en ont fait un, non seulement qui est nouveau, mais encore qui leur est particulier.

         Les comportements à force d’élégance, sont devenus maniérés, avec une recherche de politesse tellement outrée qu’elle en est devenue risible, de même, d’ailleurs, que la mode vestimentaire, avec une surabondance de dentelles, de rubans et de plumes sur les chapeaux… Snobisme, manque de naturel, frivolité, superficialité…, autant de reproche adressés !

         Enfin, les productions littéraires paraissent souvent démodées aujourd’hui. Les longs romans, avec leurs récits enchâssés aux péripéties interminables, manquent de réalisme. L’amour, thème privilégié, est représenté d’une façon trop idéalisée, avec des subtilités psychologiques lassantes. Les poèmes si appréciés dans les salons avec leur recherche systématique du jeu d’esprit spirituel, l’accumulation des références mythologiques et les outrances des hyperboles et des métaphores, ne correspondent plus à ce que nous attendons aujourd’hui de la poésie.

Documents complémentaires : le personnage de Lustucru 

                  « Opérateur céphalique »

 

Vous, pauvres malheureux que l’esprit Lunatique
Des femmes d’à présent fait toujours enrager
Et qui ne croyez pas les voir jamais changer,
Amenez-les ici dedans notre boutique.

 

De quelque qualité que leurs têtes pussent être,

Nous y mettrons si bien la lime et le marteau
Que la Lune en son plein fût-elle en leur cerveau,
Au sortir de chez nous, vous en serez le Maître.

 

Notre boutique aussi n’est point jamais déserte,

L’on y voit aborder de toutes nations
Toutes sortes d’états et de conditions ;
Jour et nuit, en tout temps, elle demeure ouverte.

 

On amène en vaisseaux, à cheval, en brouettes,

Sans intermission I’on nous fait travailler.
Nous n’avons pas le temps même de sommeiller,
Car, tant plus nous vivons, leurs têtes sont mal faites.

Jacques Lagniet, Recueil des plus illustres poèmes, 1663 : "Opérateur céphalique" (à gauche), "Le Massacre de Lustucru par les femmes" (à droite)

Jacques Lagniet, Recueil des plus illustres poèmes, 1663 : "Opérateur céphalique" (à gauche), "Le Massacre de Lustucru par les femmes" (à droite)

                         « Le massacre de Lustucru par les femmes »

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II nous est besoin et nécessaire pour notre repos d’ôter du monde cet ennemi de notre sexe, ce forgeron d’enfer que se veut mêler de reforger, polir et rabonnir nos têtes, pour contenter l’esprit bourru de nos jaloux maris, qui croient faire beaucoup de nous envoyer chez Lustucru. Ils ont beau dire, il n’y a point de secret qui nous puisse faire autres que nous sommes, c’est pourquoi, afin que désormais il n’y ait plus d’opérateur si impudent qu’il n’en soit jamais parlé, allons toutes mettre fin à une si glorieuse entreprise, donnons-lui cent coups, après sa mort, mettons-le en pièces, portons sa Diable de tête partout. Témoin de nos courages, allons mettre le feu au vaisseau qui vient. 

                    « La complainte de Lustucru aux maris martyrs »

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Messieurs, aurez-vous bien la main si lâche de laisser massacrer Lustucru, ce bienfaiteur de vos ménages, celui qui a tant pour reforger et rabonnir les têtes de vos méchantes femmes, quoi faut-il que j’aie tant voyagé pour découvrir ce rare secret et en être si mal récompensé. Songez donc à me secourir promptement, car si vous attendez ma mort, vous êtes perdus ; n’ayant plus de Lustucru, vos femmes vous feront enrager plus que jamais, ayant vu bien que mes cris sont perdus. Je suis accablé, ces Diablesses m’ont surpris. Adieu il n’y a plus de Lustucru. 

Connu aujourd’hui en tant que personnage de la chanson enfantine « La Mère Michel », au XVIIème siècle, Lustucru a été le symbole de la « Querelle des femmes » : commencée à la Renaissance, elle a pris son essor avec les Précieuses et leurs revendications, qui contreviennent à la place traditionnelle accordée alors aux femmes. Ainsi  Lustucru, nom peut-être issu de « l’eusses-tu-cru » pour s’étonner d’un tel comportement féminin, personnage né à la fin du règne de Louis XIII, entreprend de remédier à ces abus. Forgeron cruel, il joue l’« opérateur céphalique » en réduisant la tête des femmes, qui, elles, vont se venger en se livrant à un « massacre »

"Opérateur céphalique"

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La gravure représente une forge en pleine activité, avec le forgeron Lustucru, au premier plan, qui tient dans sa tenaille une tête de femme, que vont façonner, à coups de marteaux, les deux ouvriers qui l’assistent. Tandis qu’en bas, à gauche, un ouvrier apporte une hotte pleine de têtes coupées à reformer, un autre prépare ce travail devant la forge enflammée, et, sur la gauche, un troisième en rectifie une à l’aide d’une lime. Du bateau, un porteur apporte encore d’autres têtes dans une brouette, à gauche elles arrivent sur un chariot tiré par un mulet et conduit par un singe. La forge est ainsi remplie de ces têtes à corriger, jusque sur les murs, En arrière-plan, sur un présentoir reposent d’autres têtes, peut-être celles refaites à neuf.

Surmontant la gravure, les quatre quatrains sont le boniment du marchand pour attirer les clients, avec une promesse faites aux « pauvres malheureux », ces maris que leur femme « fait toujours enrager » : « Nous mettrons si bien la lime et le marteau / […qu’] Au sortir de chez nous, vous en serez le Maître. » Le travail est incessant, « L’on y voit aborder de toutes nations / Toutes sortes d’états et de conditions », et donne l’impression que tous sont concernés par ces femmes à « l’esprit Lunatique », adjectif qui, au XVIIème siècle, sous-entend la folie.

"Le massacre de Lustucru par les femmes"

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Mais les femmes ne se laissent pas facilement faire ; elles s’en prennent alors à ce « forgeron d’enfer », allusion mythologique au dieu forgeron de l’antiquité grecque, Héphaïstos, Vulcain pour les Romains, et surtout à leurs « jaloux maris ». Elles affirment hautement leur nature féminine : « il n’y a point de secret qui nous puisse faire autres que nous sommes ». À leur tour, elles se transforment donc en guerrières pour abattre leur ennemi : « donnons-lui cent coups, après sa mort, mettons-le en pièces, portons sa Diable de tête partout. »

La gravure montre qu’elles se sont emparées de la forge et des outils qui leur servent à combattre violemment.

"Complaintes de Lustucru aux maris martyrs"

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Alors qu'ils restent sur le seul de la forge, apeurés, Lustucru implore les maris de lui apporter de l’aide, à lui le « bienfaiteur de [leur] ménage ». Mais ses cris restent vains, nul ne vient à son secours : « n’ayant plus de Lustucru, vos femmes vous feront enrager plus que jamais ». Il ne peut qu’accepter sa défaite, « Adieu il n’y a plus de Lustucru », et reconnaître la puissance des femmes, victorieuses

Lecture personnelle : Molière, Les Précieuses ridicules, 1659 

Pour approfondir la lecture

Moliere, Les Précieuses ridicules, 1659

Pour préparer la seconde partie de l'épreuve orale de français au Baccalauréat, est proposée la lecture de cette pièce en un acte et en prose. Cette lecture personnelle doit conduire à la constitution d'un dossier, dont les points principaux portent sur l'intrigue, les personnages et le comique, avec ses cibles et ses procédés. L'ensemble peut être accompagné d'illustrations, de la présentation d'une mise en scène, et d'un écrit d'appropriation, par exemple une lettre des deux amants, Du Croisy et La Grange, pour raconter leur vengeance, ou bien une discussion entre Cathos et Magdelon pour commenter le dénouement de leur mésaventure. 

Devoir : dissertation et commentaire 

Devoir

Pour préparer l'épreuve écrite de français au Baccalauréat, sont proposés deux sujets de devoir :

  • une dissertation sur le corpus étudié, la Préciosité​

SUJET : En quoi l’étude effectuée dans cette séquence vous permet-elle de considérer que la Préciosité répond à l’étymologie du terme, dérivé du latin « pretium », le prix ?

Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes et les documents du corpus.

  • un commentaire littéraire d'un extrait de la "Satire X" de Nicolas Boileau, publiée en 1694.

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