Pour introduire les corpus
Trois des objets d’étude proposés aux lycéens par le nouveau programme du Baccalauréat, le théâtre, la poésie et la littérature d’idées, intègrent le XVIIème siècle, à travers soit l’œuvre imposée, soit les parcours qui peuvent lui être associés. D’où le choix de ces corpus, qui offrent aussi aux étudiants l’occasion de découvrir des extraits d’auteurs européens de cette période, organisés selon les thèmes abordés et étudiés par des explications détaillées ou des lectures cursives.
Pour enrichir cette approche, chaque corpus présente l'héritage antique qui a pu nourrir la réflexion des écrivains, tantôt pour se rapprocher des Anciens, tantôt pour s’en différencier, et montre également comment ceux-ci ont pu, à leur tour, inspirer leurs successeurs. Les extraits étudiés sont accompagnés de documents complémentaires qui leur font écho, textuels ou iconographiques.
Une introduction générale pose les caractéristiques essentielles du XVIIème siècle, qui expliquent à la fois le contexte de l'écriture et le choix des thèmes retenus.
Le contexte historique
Pour approfondir le contexte : histoire et société
Le XVIIème siècle : quelques dates fondamentales
Deux règnes
Deux rois se succèdent au XVIIème, tous deux après une période de Régence jusqu’à leur majorité.
Louis XIII, soutenu par son ministre d’État, le cardinal de Richelieu, construit la monarchie absolue : les nobles doivent se soumettre au pouvoir royal, la marine et l’armée sont réorganisées, et, après la chute de La Rochelle, les protestants voient leurs droits sévèrement encadrés.
Le règne de Louis XIV commence avec les troubles de la Fronde, Parlements et Grands seigneurs en lutte contre le pouvoir royal. Avec l’aide du cardinal de Mazarin, il rétablit la monarchie absolue, en accentue la puissance, et, dès 1661, règne seul, en s’appuyant sur son principal ministre, Colbert.
La vie politique
La vie politique durant ce siècle présente trois caractéristiques :
La monarchie « de droit divin » lutte pour s’imposer contre les adversaires que sont à la fois les Parlements qui refusent les édits royaux, et les grands du royaume, princes et même membres de la famille royale. Louis XIV achève cette lutte en s’entourant d’hommes compétents issus de la bourgeoisie, et, surtout, grâce à l’aménagement du château de Versailles, en s’y installant en 1682 : les nobles sont alors devenus des « courtisans », désireux de s’attirer les faveurs royales et obéissant à une rigoureuse «’étiquette » .
Ces deux règnes sont marqués par des guerres pour des questions de succession, notamment dès 1635 avec l’Espagne. Si ce conflit s’apaise par le traité de Westphalie, en 1648, cette paix ne dure guère : les coalitions des rois d’Espagne et d’Angleterre, de l’empire germanique et des Pays bas contre la France entretiennent des guerres successives qui dévastent le pays, provoquent famine et misère, et épuisent les finances du royaume.
Enfin, les conflits religieux se multiplient. Un temps apaisé par l’Édit de Nantes, signé par Henri IV en 1598, le conflit avec les protestants est ranimé, avec comme temps fort le siège de La Rochelle. La paix d’Alès, si elle maintient la liberté de culte, leur enlève leurs places fortes et leurs privilèges, et la violence est ranimée, dès 1680, par les « dragonnades », qui commencent à provoquer l’exil des familles protestantes, accéléré encore par la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685. Mais, au sein même du catholicisme, les conflits sont nombreux : celui de « la Régale » oppose le Roi au Pape, et il faut attendre 1693 pour que soit conclu un accord ; l’influence des Jésuites au cœur du royaume soutient aussi le combat contre le courant janséniste, qui veut rétablir les bases d’une religion plus stricte et étend, lui aussi, son influence dans la seconde moitié du siècle. Dès 1653, ils sont condamnés par le pape, mais seule la destruction, en 1710, de l’abbaye de Port-Royal où ils enseignent éteint ce mouvement.
Le contexte culturel
L'essor des sciences et des arts
Si, dans les campagnes, les paysans ont pour préoccupation première, leur survie matérielle, ils apprécient cependant les divertissements que peuvent offrir, sur les places des villages, ou lors des foires, les bateleurs du cirque ou les comédiens. Dès 1641 d’ailleurs, une "Déclaration" de Louis XIII lève l’interdit qui pesait sur le métier des comédiens, sous condition d’un respect des bonnes mœurs :
« en cas que lesdits comédiens règlent tellement les actions du théâtre qu'elles soient du tout exemptes d'impureté, nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public. » (16 avril 1641)
L’intérêt des gens cultivés pour la culture se développe : ils accordent, par exemple, leur protection à des artistes, tel Molière dont la troupe de "l’Illustre Théâtre" a été entretenu de 1645 à 1653 par le duc d’Épernon, gouverneur de Guyenne, puis, entre 1651 et 1657, par le prince de Conti, gouverneur du Languedoc. Mais leur curiosité porte aussi sur les sciences, et la circulation des idées scientifiques s’accentue par l’intermédiaire de cercles de savants qui se réunissent, autour d’un érudit et, eux aussi, autour d’un mécène. Cela conduit, en 1666, à la création par Colbert d’une Académie royale des Sciences, complétée, en 1667, par celle d’un Observatoire astronomique, dont le rôle va s’avérer important, par exemple pour établir des cartes de navigation.
H. Testelin, Colbert présente à Louis XIV les membres de l'Académie royale des sciences créée en 1667, vers 1670. Huile sur toile, 348 x 590. Châteaux de Versailles et de Trianon
À cela s’ajoute le rôle des salons mondains, lieux à la fois de divertissements, musique de chambre ou jeux poétiques par exemple, et de diffusion des œuvres littéraires : les auteurs viennent y lire leurs œuvres, sur lesquelles s’exerce la critique et s’organisent des débats. Ainsi, dès 1605, Charlotte des Ursins, vicomtesse d’Auchy, ouvre un premier salon réunissant de grands poètes, notamment Malherbe, puis, en 1628, un second salon qui reçoit des auteurs de théâtre. Citons aussi celle qui est restée célèbre pour sa « Chambre bleue », ouverte en 1620, la Marquise de Rambouillet, qui mêle goût pour la galanterie et diffusion des savoirs.
Ainsi, soutenue par Louis XIV, lui-même féru d’art, musique, peinture, danse, théâtre…, s’affirme la volonté d’unir désir de « plaire » et désir d’« instruire ».
Du baroque au classicisme
Le règne de Louis XIII, héritier des guerres de religion entre catholiques et protestants et d’un pouvoir d’une noblesse imprégnée de féodalité, reste un temps encore rempli d’effervescence, où l’idée de la mort continue à être prégnante, ainsi que les codes de gloire et d’honneur. Cette atmosphère s’illustre dans le mouvement baroque.
Mais déjà Richelieu, cherchant à mettre au pas la noblesse, agit pour affermir la puissance de la monarchie. Par exemple les duels sont interdits par un édit du 2 juin 1626, et la création de l’Académie française est confirmée en 1635, avec, pour mission, de « donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ». Les traités se multiplient alors pour, à l’image des Remarques sur la langue française, utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire, publiées en 1647 par le grammairien Vaugelas.
Pour en savoir plus sur le règne de Louis XIV
Louis XIV, poursuivant cette volonté de renforcer la monarchie absolue autour de règles et de codes, impulse une recherche de la sobriété, de l'équilibre, de la symétrie, qui fait alors triompher ce que l’on nommera, au XIXème siècle, le classicisme. Aux normes esthétiques, pour déterminer la beauté d’une œuvre d’art, s’associent alors des normes de comportement et morales : un nouvel idéal s’impose, celui de « l’honnête homme ». Il s’agit de poser un modèle pour s’intégrer au mieux dans cette société d’élite, qui pratique l’escrime et la chasse, mais aussi la danse et le jeu dans les salons, qui a assez d’esprit et de connaissances pour pratiquer – mais sans pédanterie – l’art de la conversation… "L’étiquette" qui impose à la Cour des règles de politesse sociale, ne fait que fixer encore davantage cet idéal.
Pour construire un corpus
Les objectifs
Pour élaborer un corpus, qu'il soit synchronique, portant sur un seul siècle, ou diachronique, organisé sur plusieurs siècles autour des objets d'étude, il est essentiel de déterminer les objectifs visés, en fonction de l’âge et du niveau scolaire : des savoirs (objectifs cognitifs), des savoir-faire (objectifs fonctionnels) et des savoir-être (objectifs relationnels).
Objectifs cognitifs
Ils se déterminent en fonction des programmes institutionnels, qui, quelles que soient leur formulation et les « modes » didactiques, croisent, le plus souvent, trois perspectives :
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la connaissance des genres et des tonalités - ou registres littéraires -, liée aux procédés d’écriture qui les caractérisent ;
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la connaissance de l’histoire littéraire, en lien avec le contexte socio-historique, avec l’évolution des mouvements littéraires, et avec la place de l’écrivain dans son époque, la façon dont il se situe par rapport à son héritage ;
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plus généralement, l’histoire des idées et des arts, car la littérature en est souvent le miroir.
Objectifs fonctionnels
Tant à l’écrit qu’à l’oral, ils vont, eux, dans trois directions principales :
la lecture : L’étude du corpus offrira l’occasion à l’élève d’affiner sa compréhension du discours et de l’œuvre d’art, en mettant en œuvre des stratégies lui permettant d’aller progressivement de l’explicite à l’implicite. Il sera capable de développer des stratégies de lecture silencieuse, de lire à voix haute de façon expressive, de rendre compte de ses impressions de lecture, de porter un jugement personnel sur un texte ou une œuvre.
l’expression écrite : Des exercices variés, portant attention à la correction de la langue et à l’organisation de la pensée, permettront, non seulement de maîtriser progressivement les attentes d’un examen (par exemple, pour le baccalauréat français, selon la réforme de 2019, le commentaire ou la dissertation, ou encore la contraction de texte suivie d'un essai), mais aussi de maîtriser les registres de langue, et de produire des écrits diversifiés, par exemple la prise de notes, le résumé, la note de synthèse, l’article de presse… Par des écrits d'appropriation, l’élève apprendra, notamment, à employer lui-même des procédés d’écriture expressifs.
l’expression orale : trop souvent négligée en raison du nombre d’élèves dans une classe, elle devrait pourtant être systématiquement travaillée, pour permettre à l’élève de comprendre un discours – à commencer par celui de l’enseignant, qu’il pourra être amené à reformuler – de prendre la parole de façon pertinente, mais aussi de présenter une recherche, de prendre en charge un exposé. La réforme du Baccalauréat insiste particulièrement sur ces compétences.
Objectifs relationnels
Ils sont d'une double nature :
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la relation de l’élève avec son environnement culturel (musée, théâtre, bibliothèque, institution, entreprise…) sera encouragée, de même avec tout ce qui relève de la technologie : Internet, usage de l’audio-vidéo, des réseaux sociaux…
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la relation de l’élève avec autrui, puisque, à partir des supports proposés, il entrera en interaction avec l’enseignant et avec ses pairs, en apprenant l’échange argumenté et apaisé et à prendre une juste place au sein d’un groupe.
Un "parcours littéraire" : le choix des textes
Ces objectifs – et les compétences qu’ils amènent à construire – déterminent donc le choix des textes d’un corpus et les activités proposées. Pour guider le parcours, il peut être utile de présenter l’ensemble de la séquence dans un tableau, modifiable en fonction des difficultés rencontrées.
Les corpus traités dans ce site offrent parfois jusqu’à une dizaine de textes et de nombreux documents iconographiques et audio-visuels. Il appartient à l’enseignant, selon la durée impartie à la séquence, de choisir les 3, 4 ou 5 textes, qui donnent lieu à une explication détaillée. Ils doivent présenter une cohérence thématique, et permettre une réflexion littéraire. Pour obtenir cette cohérence, ils sont étudiés à partir d’une question littéraire, problématique posée dans l’introduction à laquelle la conclusion répond.
Une fois ces textes principaux choisis, leur étude peut être prolongée par des lectures cursives de documents complémentaires. Il peut s’agir
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de « textes-miroirs », propres à faire écho au parcours littéraire choisi : hypotexte ou hypertexte, analyse critique, article de presse…
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de documents iconographiques ou audio-visuels, soit pour illustrer le texte, soit pour en montrer la source ou l’éventuelle exploitation artistique, offrant donc "prolongement artistique et culturel".
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d’une lecture personnelle, rattachée au thème abordé et adaptée à l’âge et au niveau de l’élève, soit libre, soit guidée par une consigne, associée, ou non, à une production personnelle. Elle donnera lieu à une séance de reprise en classe.
Pour donner sens au "parcours littéraire", l'étude accorde une importance particulière à deux moments.
L'introduction
Elle occupera une ou deux séances, selon les cas : elle constitue une « mise en appétit », à quadruple fonction :
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éveiller la curiosité de l’élève pour le/s genre/s littéraire/s et le thème qui va lui être proposé, au moyen de documents simples, voire ludiques, propres à susciter des impressions, des interactions, des questionnements…
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définir les termes-clés du corpus, d’une part à partir du titre, d’autre part à partir des objectifs visés (par exemple, les mots « théâtre », « poésie », « comique »), en réactivant les acquis antérieurs des élèves et en utilisant le dictionnaire.
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inscrire le corpus dans une chronologie, notamment en accordant une place au contexte historique, et à l’héritage littéraire, artistique. Il ne s’agit pas de faire « un cours d’histoire », mais de faire mesurer à l’élève qu’une œuvre se crée rarement "ex nihilo".
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poser clairement la question qui guide la séquence, à partir des observations et des questionnements précédents, en s’assurant que ses enjeux ont été bien perçus.
La conclusion
Elle occupera une ou deux séances, selon les cas : elle répond à deux objectifs.
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tirer un bilan des acquis de la séquence, utile réactivation des textes, auteurs et notions étudiés, et stratégie de mémorisation.
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proposer une réponse précise à la question littéraire posée dans la séance d’introduction.
Il est possible aussi d’ouvrir sur une période ultérieure où cette même question est reprise et développée.
Cette séance peut se faire à l’occasion de la correction d’un contrôle écrit, ou de toute forme de production écrite, ainsi prolongée. Elle peut rester orale et interactive, mais aussi introduire un document complémentaire, et prendre des formes variées, par exemple un tableau, une carte heuristique, une fiche de synthèse, une illustration iconographique, un jeu de rôles, un exposé…