Pour introduire les corpus
Ces corpus s'inscrivent dans l'objet d'étude proposé aux lycéens de la série littéraire intitulé "Vers un espace culturel européen : la Renaissance". Mais ils offrent aussi aux étudiants l'occasion de découvrir des extraits d'auteurs européens de cette période, organisés selon les thèmes abordés, et faisant l'objet d'une lecture analytique.
Pour enrichir cette approche, chaque corpus présente l'héritage antique qui a pu nourrir la réflexion des écrivains humanistes du XVI° siècle, et montre également comment ceux-ci ont, à leur tour, inspiré leurs successeurs. Les extraits étudiés sont accompagnés de documents complémentaires qui leur font écho, textuels ou iconographiques.
Une introduction générale pose les caractéristiques essentielles de la Renaissance, qui expliquent à la fois le contexte de l'écriture et le choix des thèmes retenus.
Le contexte historique
Pour approfondir le contexte : histoire et société
La Renaissance : quelques dates fondamentales
La Renaissance marque la rupture entre le Moyen Âge et les Temps modernes. Elle commence en Italie, au XV° siècle (le Quattrocento), et se développe en France au XVI° siècle : les guerres alors menées en Italie par François Ier ont contribué à en faire découvrir les artistes, leurs œuvres, et de nouveaux raffinements.
De nouvelles connaissances
Le mot "savoir" est sans doute celui qui illustre le mieux la Renaissance.
Les voyages de découvertes, accomplis grâce aux progrès des instruments de navigation et des navires, élargissent les limites du monde.
En faisant le tour de la terre, entre 1519 et 1522, Magellan donne raison à Copernic et Galilée qui avaient affirmé qu'elle était ronde et tournait autour du soleil. Ces découvertes donnent lieu à des conquêtes meurtrières, mais qui enrichissent l'Europe. La comparaison entre le comportement des Européens et celui des peuples dits "sauvages" conduit également à un nouveau questionnement sur la nature de l'homme dit "civilisé".
Pour en savoir plus sur les grandes découvertes : "le contexte"
Avec l’essor des universités au XIII, la demande en ouvrages s’accroît. Au XIV° siècle apparaissent le papier et les premiers moulins.
E. Collaud, Chants royaux de la conception, "Iune imprimerie", 1519-1528, BnF, Paris
Carte des voyages de découvertes
Les plus célèbres, par exemple ceux d'Alde Manuce en Italie, de Froben en Allemagne, sont des lieux d'échange et de réflexion pour les "humanistes", ainsi nommés en raison de l'intérêt supérieur qu'ils portent aux "lettres humaines", profanes, par rapport aux "lettres divines". Ainsi l’influence des idées nouvelles s’étend dans toute l’Europe. L’imprimerie a également favorisé l’unification des langues nationales, d’où la naissance du sentiment patriotique. Enfin elle a contribué à amplifier la Réforme.
Aucun domaine n'échappe à cette soif de savoir : on dissèque les corps pour mieux connaître l'anatomie, les pouvoirs politiques sont étudiés, tout comme la Bible.
L'invention des caractères d'imprimerie mobiles vers 1450 par Gutenberg, en Allemagne, qui réalise, en 1455, la première édition imprimée, celle de la Bible, en 1455, permet une large diffusion des livres, notamment ceux des anciens, en grec et en latin. L'enseignement de ces deux langues se développe, pour revenir à l'authenticité du texte, et les ateliers d'imprimerie se multiplient.
Horace, Les Odes, imprimé par Alde Manuce, 1501
De nombreux conflits
Dès 1492, avec Charles VII, commencent les guerres d'Italie, poursuivies par Louis XII, et, surtout, par François Ier : ce n'est qu'en 1559 que le traité de Cateau-Cambrésis y met fin... Les conflits dits "de succession" sont alors nombreux entre les princes de l'Europe, qui rivalisent pour accroître leur territoire, ou à propos des conquêtes coloniales. Mais ces confrontations conduisent aussi à d’intéressantes comparaisons entre les différents systèmes politiques, les modalités d’exercice du pouvoir et la place accordée au peuple par les puissants.
Mais la principale cause de conflit est la religion. D'une part, de plus en plus, face à la toute-puissance de l'Eglise se dresse la science. D'autre part, la lecture de la Bible, revue, traduite, expliquée, conduit à remettre en cause les abus de l'Eglise catholique, les excès de la papauté notamment.
Pour voir le diaporama
Un courant "évangéliste" se répand, qui réclame une religion épurée, plus authentique. Les thèses de Luther, publiées en 1517, se diffusent : il crée la Réforme, poursuivie par Calvin. Dès 1562, à la suite du massacre d'une centaine de protestants, aussi appelés "réformés" ou "huguenots", débutent les guerres de religion : huit se succèdent, et la violence se déchaîne. Un des épisodes connus est le massacre de la Saint-Barthélémy, en 1572, avec ses 4000 tués dans les deux camps. Il faut attendre l'édit de Nantes, signé en 1598 par Henri IV, pour retrouver la paix.
François Dubois, Le massacre de la Saint-Barthélémy, vers 1572 - 1584. Huile sur bois, 93,5 x 154. Musée des Beaux-Arts, Lausanne
Le XVI° siècle, qui avait ouvert un élan d'optimisme, de confiance dans les possibilités humaines, se termine donc de façon bien plus sombre, fracture qui se retrouve dans la littérature.
L'humanisme
Aux XV° et XVI° siècles, malgré les multiples conflits, l’Europe connaît une période de prospérité. Cela entraîne de profondes transformations, et, avec la diffusion des idées nouvelles, la naissance du courant humaniste.
Chez les Romains, le terme « humanitas » désigne toute chose élevant l’homme à une place à part parmi les autres êtres vivants. Durant le Moyen Âge, on parle de « humaniores litterae » ou « lettres humaines » pour désigner l’ensemble des connaissances profanes, enseignées dans les facultés des arts, qui s’opposent aux « diviniores litterae », lettres divines, enseignées dans les facultés de théologie, qui commentent la Bible.
Au XVIème siècle, l’enseignement des « lettres humaines » se développe, fondé sur l’étude des textes antiques, avec un essor de l’apprentissage du latin et du grec. Ceux qui s’intéressent à ces lettres humaines seront appelés "humanistes" au XIXème siècle.
L'homme au centre de tout
Pour les humanistes, l’homme est placé au centre de toute question. S’appuyant sur la sagesse des auteurs antiques, pris comme modèles, ils souhaitent bâtir une société différente ; ils désirent atteindre la perfection, que ce soit dans le domaine humain, moral, ou dans le domaine artistique. Le support de ce changement est constitué par les textes antiques et non plus par les écritures saintes, comme c’était le cas au Moyen Âge, ce qui pose aussi la question de la traduction.
Ils accordent une grande confiance à l’homme, capable de s’améliorer – et, de ce fait, à améliorer sa société. Écoutons Jean Pic de la Mirandole dans son Discours sur la dignité de l'homme, écrit en 1486 et publié en 1504 : il souhaite y expliquer « pourquoi l'homme est le mieux loti des êtres animés, digne par conséquent de toute admiration, et quelle est en fin de compte cette noble condition qui lui est échue dans l'ordre de l'univers. » Il lui appartient donc de pousser au plus haut degré possible ses capacités physiques, artistiques, intellectuelles, d'où l'importance prise par l'éducation au XVI° siècle. De nombreux écrivains en font un thème essentiel de leur réflexion, tels Rabelais, Montaigne... Elle doit viser à l’épanouissement de l’homme dans sa société.
Cela implique, parallèlement, une réflexion sur le pouvoir politique et la façon dont il s’exerce. L’humanisme considère tout homme comme digne de respect, il défend donc l’intégrité humaine contre les fanatismes ou tyrannies qui la menacent. Il reconnaît même la nature humaine chez le « sauvage » du Nouveau monde à qui les conquérants européens étaient tentés de nier toute âme.
Les hauts lieux de l'humanisme
Les cours royales encouragent ce renouveau intellectuel, telles celles de François Ier ou de sa sœur, Marguerite de Navarre. Ce roi, à l'image des princes italiens comme les Médicis à Florence, se comporte en mécène : construction de luxueux châteaux, soutien accordé aux artistes... Influencé par l'humaniste Guillaume Budé, il crée, en 1530, un Collège Royal où sont enseignés le grec, le latin et l'hébreu, et il signe, en 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts, qui fait du français la langue officielle. Mais l’humanisme est un courant qui imprègne toute l’Europe : les penseurs, les artistes y circulent et échangent leurs idées, leurs œuvres se diffusent largement et influencent la société, les universités drainent de brillants esprits.
L'espace culturel européen
Malheureusement, les guerres de religion freinent ce bel élan, et la société entière semble alors replonger dans la barbarie...
Léonard de Vinci, L'Homme de Vitruve, dessin à la plume, vers 1492, Galleria dell' Accademia, Venise
Un symbole de l'humanisme : Léonard de Vinci, L'homme de Vitruve
Dans les années 80, Léonard effectue de nombreuses études artistiques sur les proportions du corps humain, l’anatomie et la physionomie.
Ainsi, il commence en avril 1489 à écrire un livre De la figure humaine. Il prend systématiquement les mesures de deux jeunes gens pour réaliser ce livre, qui restera bien sûr inachevé. Après des mois consacrés à ce travail, il réussit à réunir systématiquement les proportions du corps humain. Il commence aussi à prendre en considération les rapports de grandeur des personnages assis et agenouillés. Il compare alors le résultat de ses études anthropométriques avec les proportions de Vitruve, seules proportions idéales conservées de l’Antiquité. Architecte et ingénieur de l’époque romaine, Vitruve avait décrit les rapports de mesures d’un corps humain parfait dans le troisième livre de son traité d’architecture. Il avait conclu qu’un homme aux bras et jambes écartés, pouvait être inscrit au même titre dans les figures géométriques parfaites du cercle et du carré.
Site "Léonard de Vinci" : http://www.blue.fr/vinci/dessins/proportions.html
La Nature a distribué les mesures du corps humain […] Si vous ouvrez les jambes de façon à abaisser votre hauteur d’un quatorzième, et si vous étendez vos bras de façon que le bout de vos doigts soit au niveau du sommet de votre tête, vous devez savoir que le centre de vos membres étendus sera au nombril, et que l’espace entre vos jambes sera un triangle équilatéral.
La longueur des bras étendus d’un homme est égale à sa hauteur.
Vitruve, De l’Architecture, vers 15 av. J.-C.
Pour en savoir plus sur l'image de l'homme chez Léonard de Vinci