Ressorts et fonctions du comique : de l'Antiquité au XX° siècle
Au XIX° siècle : le vaudeville et le théâtre de Boulevard
LABICHE, Un Chapeau de paille d'Italie, III, 3 : Parmi les cent quatre-vint cinq pièces d’Eugène Labiche, Un Chapeau de paille d’Italie, comédie jouée en 1851, est une des plus représentatives du genre nommé « vaudeville ». Il se caractérise par un sujet léger, une intrigue chargée de péripéties loufoques, qui vise avant tout à divertir. Mais cela n’empêche pas Labiche de jeter un regard lucide sur les réalités de la bourgeoisie de son temps, et il ne prive pas d’en faire la satire. C’est le cas lors de cette rencontre entre le rentier Fadinard, qui doit à tout prix retrouver pour Mme Anaïs un chapeau semblable à celui dévoré par son cheval, et le vicomte Achille de Rosalba. Comment les procédés comiques mis en œuvre par Labiche conduisent-ils à ridiculiser ses personnages ?
Eugène Labiche
Georges Feydeau
FEYDEAU, On purge bébé, scène 1 : La courte pièce de Georges Feydeau, On purge bébé !, représentée en 1910, reprend, dans ses onze scènes, les thèmes chers au vaudeville, l’adultère, le monde des affaires, et les disputes conjugales. Mais elle marque déjà une évolution, car les intermèdes musicaux ont disparu. On la classe donc dans le genre plus large du « théâtre de Boulevard ». Comme l’indique son titre, toute l’intrigue tourne autour de « bébé », Toto, âgé de sept ans, que sa mère veut purger, car il est constipé, mais qui refuse avec force. Mais, au-delà de cette action, bien légère, Feydeau met en scène les rapports sociaux qui se nouent dans la bourgeoisie, dotée de la richesse mais pas toujours des bonnes manières et de la culture. Comme souvent dans la comédie traditionnelle, la scène d’exposition place face à face le patron et sa bonne. Quels procédés comiques permettent de faire ressortir la satire?
Au XX° siècle : de nouvelles formes de théâtre comique
Jules Romains
ROMAINS, Knock ou le Triomphe de la médecine, II, 4 : Knock ou le Triomphe de la médecine, titre de la comédie en trois actes de Jules Romains, jouée en 1923, dans une mise en scène de Louis Jouvet qui tient aussi le rôle principal, met l’accent sur le personnage principal… mais s’agit-il vraiment de médecine ? En réalité, Knock est un charlatan, qui exploite la crédulité et les peurs de ses « patients », pour en tirer un substantiel bénéfice financier, mais surtout pour jouir du pouvoir qu’il exerce sur eux. Les six scènes de l’acte II sont une série de consultations, socialement et psychologiquement différents, mais le brio du docteur les persuade tous qu’ils sont gravement « malades », comme la première patiente, la « dame en noir ». De quelle dimension satirique se charge cette scène de farce ?
IONESCO, La Cantatrice chauve, scène 1 : Jouée en 1950, La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco marque l’irruption d’un nouveau dramatique, nommé « théâtre de l’Absurde », même si cet écrivain a refusé cette appellation. Le sous-titre de l’œuvre, « Anti-pièce », la caractérise déjà par l’opposition à tous les critères qui fondent le genre, à commencer par le lien entre le titre et le contenu, personnage ou intrigue : aucune « cantatrice chauve » n’apparaît dans la pièce ! Cependant, le public continue à rire, et nous retrouvons, dès la première scène, les ressorts habituels du comique, gestes, mots… Cependant, déjà cette scène nous interroge. Le rire que peut provoquer le dialogue entre les deux personnages revêt-il la même signification que dans une comédie traditionnelle ?
Eugène Ionesco
IONESCO, La Leçon, extrait : La deuxième pièce d’Eugène Ionesco, La Leçon, jouée en 1951, déconcerte tout autant que la précédente, et choque puisque l’intrigue conduit à la mort de cette jeune élève, tuée par le professeur. La situation est pourtant banale : cette jeune fille, bachelière, vient prendre des cours particuliers pour passer son « doctorat total ». Mais, dès leur entretien préliminaire, le dialogue entre le professeur et l’élève se révèle absurde, terme d’ailleurs retenu pour qualifier le courant théâtral dans lequel s’inscrit Ionesco, même si lui-même a préféré parler de « théâtre de l’insolite ». Insolite, en effet, le contenu du cours d’arithmétique par lequel commence la « leçon » et le lien qui se noue entre les deux personnages. Quelle signification prennent alors les procédés comiques mis en œuvre ?
Nathalie Sarraute
SARRAUTE, Isma ou ce qui s'appelle rien, extrait : Avec son essai, L’Ère du soupçon, en 1956, Nathalie remet en cause les conventions du roman, notamment celle du langage qui pourrait dire la vérité des êtres. Pour elle, ce qui compte est le « non-dit », la « sous-conversation », ce qu’elle a nommé, dans un premier recueil de nouvelles, composé en 1939, les « tropismes », les mouvements intérieurs imperceptibles créés, notamment, par le langage. Cela se retrouve dans ses premières pièces de théâtre, destinées à être radiodiffusées, telle Isma ou ce qui s’appelle rien, mise ensuite en scène en 1970. Ainsi, dans cette conversation entre quatre couples, qui critiquent un couple d’amis absents, les Dubuit, au centre est placé le langage. Sarraute insiste sur le « caractère comique » de sa pièce. Mais quelle fonction donner à cet étrange comique ?